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ARGUMENT

Ce livre contient les lamentations et les plaintes que Jérémie prononça sur la désolation de Jérusalem après que les Caldéens eurent pris et brûlé cette ville avec le temple et que les Juifs eurent été menés à Babylone.

Chapitres  CHAPITRE I.  CHAPITRE II.  CHAPITRE III.  CHAPITRE IV.   CHAPITRE V.  LIVRES DU VIEUX TESTAMENT

CHAPITRE I.

Le prophète se plaint que Jérusalem, qui était autrefois si florissante, était réduite en désert, que le peuple était captif et le service divin renversé. Il reconnait que tous ces malheurs étaient arrivés aux Juifs pour s’être rebellé contre Dieu. Il le prie d’avoir pitié d’eux et de réprimer la malice de leurs ennemis.

Aleph. Comment est-il arrivé que la ville si peuplée soit assise solitaire ? que celle qui était grande entre les nations soit devenue comme veuve ? que celle qui était princesse dans les provinces ait été rendue tributaire ?

Beth. Elle ne cesse de pleurer pendant la nuit, et ses larmes sont sur ses joues ; il n’y a pas un de tous ses amis qui la console ; ses voisins ont agi perfidement contre elle, et sont devenus ses ennemis.

Guimel. La Judée a été emmenée captive, tant elle est affligée, et tant sa servitude est grande ; elle demeure maintenant parmi les nations, et elle ne trouve point de repos ; tous ses persécuteurs l’ont saisie entre ses détroits.

Daleth. Les chemins de Sion sont dans le deuil, parce qu’il n’y a plus personne qui vienne aux fêtes solennelles ; toutes ses portes sont désolées, ses sacrificateurs sanglotent, ses vierges sont affligées, et elle est dans l’amertume.

Hé. Ses adversaires ont eu le dessus ; ses ennemis ont prospéré ; car l’Éternel l’a rendue toute désolée à cause de la multitude de ses forfaits ; ses petits-enfants s’en sont allés captifs devant l’ennemi.

Vau. Et tout l’ornement de la fille de Sion s’est retiré d’elle ; ses principaux sont devenus semblables à des cerfs qui ne trouvent point de pâture, et ils s’en sont allés, destitués de force, devant celui qui les poursuivait.

Zajin. Jérusalem, dans les jours de son affliction et de son exil, s’est souvenue de tout ce qu’elle avait de plus désirable depuis si longtemps, lorsque son peuple est tombé par la main de l’ennemi, sans que personne la secourût ; ses adversaires l’ont vue, et se sont moqués de ses sabbats.

Heth. Jérusalem a grièvement péché ; c’est pourquoi elle a été transportée ; tous ceux qui l’honoraient l’ont méprisée, parce qu’ils ont vu son ignominie ; elle en a aussi sangloté, et s’est tournée en arrière.

Teth. Sa souillure était dans les pans de sa robe, et elle ne s’est point souvenue de sa fin ; elle a été prodigieusement abaissée ; elle n’a point de consolateur. Regarde, ô Éternel ! mon affliction, car l’ennemi s’est élevé avec orgueil.

10 Jod. L’adversaire a étendu sa main sur tout ce qu’elle avait de plus désirable ; car elle a vu entrer dans son sanctuaire les nations dont tu avais donné cet ordre : Elles n’entreront point dans ton assemblée.

11 Caph. Tout son peuple sanglote ; ils cherchent du pain ; ils ont donné ce qu’ils avaient de plus précieux pour de la nourriture, afin de se faire revenir le cœur. Vois, ô Éternel, et regarde ! car je suis devenue méprisée.

12 Lamed. Cela ne vous touche-t-il point ? vous tous, qui passez, regardez, et voyez s’il y a une douleur comme ma douleur, qui m’est arrivée, à moi que l’Éternel a affligée, au jour de l’ardeur de sa colère.

13 Mem. Il a envoyé d’en haut un feu dans mes os, qui les a consumés ; il a tendu un rets à mes pieds, et m’a fait tomber en arrière ; il m’a rendue désolée et languissante, pendant tout le jour.

14 Nun. Le joug de mes forfaits est lié par sa main ; ils ont été entrelacés et mis sur mon cou ; il a fait déchoir ma force ; le Seigneur m’a livrée entre des mains d’où je ne pourrai me dégager.

15 Samech. Le Seigneur a renversé tous les hommes vaillants que j’avais au milieu de moi ; il a fait venir sur moi le temps qu’il avait marqué, pour mettre en pièces mes gens d’élite. Le Seigneur a tiré le pressoir sur la vierge, sur la fille de Juda.

16 Hajin. A cause de cela je pleure, et mon œil, mon œil se fond en eau ; car le consolateur, qui me fait revenir le cœur, s’est éloigné de moi ; mes enfants ont été désolés, parce que l’ennemi a été le plus fort.

17 Pé. Sion étend ses mains, et personne ne la console ; l’Éternel a ordonné aux ennemis de Jacob de venir tout autour de lui ; Jérusalem est devenue entre eux comme une femme souillée.

18 Tsade. L’Éternel est juste ; car je me suis rebellée contre son commandement. Peuples, écoutez tous, je vous prie, et regardez ma douleur ; mes vierges et mes gens d’élite sont allés en captivité.

19 Koph. J’ai appelé mes amis, mais ils m’ont trompée ; mes sacrificateurs et mes anciens sont morts dans la ville, lorsqu’ils ont cherché à manger pour eux, afin de se faire revenir le cœur.

20 Resch. Regarde, Éternel ! car je suis dans la détresse ; mes entrailles sont émues ; mon cœur est agité dans moi, parce que j’ai ajouté rébellion à rébellion ; au dehors l’épée m’a privée d’enfants ; au dedans c’est comme la mort.

21 Scin. On m’a ouïe sangloter, et toutefois je n’ai personne qui me console ; tous mes ennemis ont appris mon mal, et s’en sont réjouis, parce que tu l’as fait ; tu feras venir le jour que tu as marqué, et ils seront semblables à moi.

22 Thau. Que toute leur malice vienne en ta présence ; et fais-leur comme tu m’as fait, à cause de tous mes crimes ; car mes sanglots sont en grand nombre, et mon cœur est languissant.

REFLEXIONS

I. La ruine de Jérusalem nous met devant les yeux un grand exemple de la justice divine. La sévérité de cette justice paraît, non seulement en ce que cette ville fut prise et en ce que le peuple fut exposé à la fureur de ses ennemis et mené en captivité, mais surtout, en ce que le temple de Dieu fut brûlé et que le service divin y cessa. Après un tel exemple, personne ne peut douter que Dieu ne vengera sévèrement le mépris que les hommes font de son alliance, de son service et des invitations de sa grâce.

II. Comme Jérémie faisait des plaintes et pleurait sur cette désolation, ceux qui aiment le Seigneur sont touchés de la douleur la plus amère lorsqu’ils voient que Dieu est irrité par les péchés des hommes et que l’église est dans la souffrance.

Et comme le prophète reconnaissait que toutes ces calamités étaient la juste peine des rébellions des Juifs, nous devons adorer la justice de Dieu dans tous les maux qui nous arrivent et les recevoir comme des châtiments que nous nous sommes attirés. Il faut aussi, à l’exemple de Jérémie, implorer avec ardeur la miséricorde de Dieu lorsqu’il est irrité contre nous et le prier surtout avec zèle pour la prospérité de l’église.

CHAPITRE II.

Jérémie continue ses plaintes sur la destruction de Jérusalem, du temple, de la Judée et de la nation des Juifs. Il fait une description fort touchante des malheurs dont ils avaient été accablés et il implore les compassions de Dieu sur eux.

Aleph. Comment le Seigneur a-t-il couvert de sa colère la fille de Sion, comme d’une nuée ! Comment a-t-il jeté des cieux en terre l’ornement d’Israël, et ne s’est-il point souvenu, au jour de sa colère, du marchepied de ses pieds !

Beth. Le Seigneur a abîmé et n’a point épargné tous les lieux agréables de Jacob ; il a ruiné, par sa fureur, les forteresses de la fille de Juda, et l’a jetée par terre ; il a profané le royaume et ses principaux.

Guimel. Il a retranché toute la force d’Israël, par l’ardeur de sa colère ; il a retiré sa droite en arrière de devant l’ennemi ; il a allumé dans Jacob comme un feu dévorant qui l’a consumé de toutes parts.

Daleth. Il a tendu son arc comme un ennemi ; il a affermi sa droite comme un homme qui attaque, et il a tué tout ce qui était agréable à l’œil, dans le tabernacle de la fille de Sion ; il a répandu sa colère comme un feu.

Hé. Le Seigneur a été comme un ennemi ; il a abîmé Israël ; il a abîmé tous ses palais ; il a dissipé toutes ses forteresses, et il a multiplié, dans la fille de Juda, le deuil et la lamentation.

Vau. Il a renversé violemment sa demeure, comme un jardin ; il a détruit le lieu de sa demeure ; l’Éternel a fait oublier dans Sion les fêtes solennelles et le sabbat, et il a rejeté, dans l’indignation de sa colère, le roi et le sacrificateur.

Zajin. Le Seigneur a rejeté son autel ; il a détruit son sanctuaire ; il a livré dans la main de l’ennemi les murailles de ses palais ; ils ont jeté leurs cris dans la maison de l’Éternel, comme aux jours des fêtes solennelles.

Heth. L’Éternel a résolu de détruire la muraille de la fille de Sion ; il a étendu le cordeau, et il n’a point retiré sa main qu’il ne l’ait abîmée ; et il a désolé l’avant-mur et la muraille ; ils ont été ruinés ensemble.

Teth. Ses portes sont enfoncées en terre ; il en a détruit et brisé les barres ; son roi et ses principaux sont parmi les nations ; la loi n’est plus, et ses prophètes n’ont reçu aucune vision de l’Éternel.

10 Jod. Les anciens de la fille de Sion sont assis à terre, et se taisent ; ils ont mis de la poudre sur leur tête ; ils se sont ceints de sacs ; les vierges de Jérusalem baissent leurs têtes vers la terre.

11 Caph. Mes yeux défaillent à force de larmes ; mes entrailles sont émues, mon foie s’est répandu en terre, à cause de la destruction de mon peuple, parce que les petits enfants et ceux qui tétaient sont défaillis dans les places de la ville.

12 Lamed. Ils ont dit à leurs mères : Où est le froment et le vin ? Lorsqu’ils pâmaient dans les places de la ville, comme celui qui est blessé à mort, et qu’ils rendaient l’esprit dans le sein de leurs mères.

13 Mem. Qui prendrai-je à témoin contre toi ? Qui comparerai-je avec toi, fille de Jérusalem, et qui t’égalerai-je, pour te consoler, vierge, fille de Sion ? car ta plaie est grande comme une mer. Qui est-ce qui te guérira ?

14 Nun. Tes prophètes ont vu pour toi des mensonges et des extravagances ; ils ne t’ont point découvert ton iniquité, pour détourner ta captivité ; mais ils ont vu pour toi des prédictions fausses, et l’expulsion de tes ennemis.

15 Samech. Tous les passants ont frappé des mains sur toi ; ils ont sifflé, et branlé la tête contre la fille de Jérusalem, disant : Est-ce ici la ville de laquelle on disait : La parfaite en beauté, la joie de toute la terre ?

16 Pé. Tous tes ennemis ont ouvert leur bouche sur toi ; ils ont sifflé et grincé les dents, et ils ont dit : Nous les avons abîmés ; certainement, nous l’avons trouvée, nous l’avons vue.

17 Hajin. L’Éternel a fait ce qu’il avait résolu ; il a accompli la parole qu’il avait arrêtée depuis longtemps ; il a ruiné et il n’a rien épargné ; il t’a fait être un sujet de joie à ton ennemi, et il a relevé la force de ceux qui te haïssaient.

18 Tsade. Leur cœur a crié au Seigneur : Muraille de la fille de Sion, verse des larmes jour et nuit, comme un torrent ; ne te donne point de repos, et que la prunelle de tes yeux ne cesse point.

19 Koph. Lève-toi et t’écrie de nuit, dès le commencement des veilles de la nuit ; répands ton cœur comme de l’eau, en la présence du Seigneur ; lève tes mains vers lui, pour la vie de tes petits enfants, qui meurent de faim au coin de toutes les rues.

20 Resch. Regarde, ô Éternel ! et considère qui tu as ainsi traité. Les femmes n’ont-elles pas mangé leur fruit, et les petits enfants qu’elles emmaillottaient ? Le sacrificateur et le prophète n’ont-ils pas été tués dans le sanctuaire du Seigneur ?

21 Scin. Le jeune enfant et le vieillard ont été couchés par terre dans les rues ; mes vierges et mes gens d’élite sont tombés par l’épée ; tu as tué au jour de ta colère ; tu as massacré ; tu n’as point épargné.

22 Thau. Tu as appelé, comme à un jour solennel, les frayeurs qui m’environnent ; et personne n’est échappé ni demeuré de reste, au jour de la colère de l’Éternel ; mon ennemi a consumé ceux que j’avais emmaillottés et élevés.

REFLEXIONS

Ce chapitre nous engage à faire trois réflexions :

I. La première regarde les malheurs des Juifs, la perte de tous leurs avantages et de la protection de Dieu, la ruine de leur ville et de leur temple, les maux qu’ils souffrirent par la guerre et par la famine et leur captivité. Jérémie reconnait, dans tous ces tristes événements, le juste jugement de Dieu sur ce peuple qui avait abusé des grâces dont il avait été comblé. C’est de quoi les prophètes avaient menacé les Juifs et ce que Moïse leur avait prédit autrefois.

II. La seconde considération est que, quoi que les Babyloniens eussent réduit les Juifs dans l’état déplorables où ils étaient alors, le prophète attribue tous ces malheurs à Dieu et qu’il dit que c’était le Seigneur lui-même qui avait rejeté son peuple et livré son temple, ses autels et sa ville aux idolâtres. Les ennemis des Juifs n’auraient pu leur nuire si Dieu n’eût retiré sa protection de dessus ce peuple qu’il s’était choisi.

C’est Dieu qui dispense aux hommes les afflictions, mais surtout, il n’arrive rien à son église que par sa volonté.

III. Enfin, nous devons penser que lorsque Dieu expose ainsi son église à la souffrance, son dessein n’est pas de la détruire, mais qu’il se propose de la sanctifier par ses châtiments.

Il faut faire le même jugement de tous les maux qui arrivent aux hommes en cette vie.

CHAPITRE III.

Ce chapitre a trois parties : I. Jérémie représente sous diverses images le déplorable état des Juifs. II. Il se console et il reconnait l’amour de Dieu dans ses châtiments. Il montre combien les afflictions sont nécessaires aux hommes, il dit que Dieu dispense les biens et les maux très justement et il exhorte les Juifs à confesser leurs péchés et à se convertir. Enfin, il revient à décrire les malheurs des Juifs, il sollicite les compassions de Dieu en leur faveur et il prédit la ruine des Babyloniens et de leurs autres ennemis.

Aleph. Je suis l’homme qui ai vu l’affliction par la verge de sa fureur.

2 Il m’a conduit et fait marcher dans les ténèbres, et non dans la lumière.

3 Certainement il s’est tourné contre moi ; et il a tourné tous les jours sa main sur moi.

Beth. Il a fait vieillir ma chair et ma peau, il a brisé mes os.

5 Il a bâti contre moi, et m’a environné de fiel et de travail.

6 Il m’a fait demeurer dans des lieux ténébreux, comme ceux qui sont morts dès longtemps.

Guimel. Il a fait une cloison autour de moi, afin que je ne sorte point ; il a appesanti mes fers.

8 Même quand je crie et que je frémis, il rejette ma requête.

9 Il a fait une cloison de pierres de taille à mes chemins, il a renversé mes sentiers.

10 Daleth. Il est pour moi comme un ours qui est aux embûches, et un lion qui se tient dans ses cavernes.

11 Il a détourné mes chemins, et il m’a mis en pièces, et il m’a rendu désolé.

12 Il a tendu son arc, et m’a mis comme un but pour la flèche.

13 Hé. Il a fait entrer dans mes reins les flèches de son carquois.

14 J’ai été en risée à tous les peuples, et le sujet de leur chanson pendant tout le jour.

15 Il m’a rassasié d’amertume, et m’a enivré d’absinthe.

16 Vau. Il m’a brisé les dents avec du gravier, il m’a couvert de cendre ;

17 tellement que la paix s’est éloignée de mon âme ; j’ai oublié ce que c’est que le bonheur ;

18 et j’ai dit : Ma force est perdue, et l’espérance que j’avais en l’Éternel.

19 Zajin. Souviens-toi de mon affliction, et de mon triste état, qui est de l’absinthe et du fiel.

20 Mon âme s’en souvient sans cesse, et en est tout abattue.

21 Je rappelle ceci en mon cœur, c’est pourquoi j’aurai de l’espérance.

22 Heth. Ce sont, me dis-je, les bontés de l’Éternel, qui font que nous n’avons pas été consumés ; ses compassions ne sont point défaillies.

23 Elles se renouvellent chaque matin ; ta fidélité est grande.

24 L’Éternel est ma portion, a dit mon âme, c’est pourquoi j’espérerai en lui.

25 Teth. L’Éternel est bon à ceux qui s’attendent à lui, et à l’âme qui le recherche.

26 Il est bon d’attendre en repos la délivrance de l’Éternel.

27 Il est bon à l’homme de porter le joug dès sa jeunesse.

28 Jod. Il sera assis seul, et il sera dans le silence, parce qu’on a mis le joug sur lui.

29 Il mettra sa bouche dans la poussière, il attendra s’il y aura quelque espérance.

30 Il tendra la joue à celui qui le frappe ; il sera rassasié d’opprobres.

31 Caph. Mais le Seigneur ne rejette pas pour toujours.

32 S’il afflige quelqu’un, il en a aussi compassion, selon la grandeur de ses bontés.

33 Car ce n’est pas volontiers qu’il afflige et qu’il contriste les fils des hommes.

34 Lamed. Lorsqu’on foule sous les pieds tous les prisonniers du pays ;

35 lorsqu’on pervertit le droit de quelqu’un en la présence du Très-Haut ;

36 lorsqu’on fait tort à quelqu’un dans sa cause, le Seigneur ne le voit-il pas ?

37 Mem. Qui est-ce qui dit que cela a été fait, et que le Seigneur ne l’a point commandé ?

38 Les maux et les biens ne procèdent-ils pas du commandement du Très-Haut ?

39 Pourquoi l’homme vivant murmurerait-il, l’homme, dis-je, qui souffre pour ses péchés ?

40 Nun. Recherchons nos voies, et les sondons, et retournons jusqu’à l’Éternel.

41 Levons nos cœurs et nos mains au Dieu fort qui est aux cieux, et disons :

42 Nous avons prévariqué, nous avons été rebelles, et tu n’as point pardonné.

43 Samech. Tu nous as couverts de ta colère, et tu nous as poursuivis ; tu as tué, et tu n’as point épargné.

44 Tu t’es couvert d’une nuée, afin que notre requête ne passât point jusqu’à toi.

45 Tu nous as fait être la raclure et le rebut au milieu des peuples.

46 Pé. Tous nos ennemis ont ouvert leur bouche sur nous.

47 La frayeur et la fosse, la désolation et la destruction nous sont arrivées.

48 Mon œil s’est fondu en ruisseaux d’eau, à cause de la ruine de la fille de mon peuple.

49 Hajin. Mon œil pleure et ne cesse point, parce qu’il n’y a aucun relâche ;

50 jusqu’à ce que l’Éternel regarde et voie des cieux.

51 Mon œil afflige mon âme à cause de toutes les filles de ma ville.

52 Tsade. Ceux qui sont mes ennemis sans cause m’ont poursuivi à outrance, comme on poursuit un oiseau.

53 Ils ont enfermé mon âme dans une fosse, ils ont roulé une pierre sur moi.

54 Les eaux ont monté par-dessus ma tête. Je disais : Je suis retranché.

55 Koph. J’ai invoqué ton nom, ô Éternel ! du plus profond de l’abîme.

56 Tu as ouï ma voix ; ne cache point ton oreille à mes soupirs et à mon cri.

57 Tu t’es approché au jour que je t’ai invoqué, et tu as dit : Ne crains rien.

58 Resch. Ô Seigneur ! tu as plaidé la cause de mon âme, et tu as garanti ma vie.

59 Tu as vu, Éternel ! le tort qu’on me fait ; fais-moi justice.

60 Tu as vu toutes leurs vengeances, et tous leurs desseins contre moi ;

61 Scin. Tu as entendu, ô Éternel ! leurs opprobres, et toutes leurs machinations contre moi ;

62 Les discours de ceux qui s’élèvent contre moi, et les desseins qu’ils forment contre moi tout le jour.

63 Considère que je suis le sujet de leurs chansons, quand ils s’asseyent, et quand ils se lèvent.

64 Thau. Tu leur rendras la pareille, Eternel ! selon l’ouvrage de leurs mains.

65 Tu leur donneras ta malédiction qui leur couvrira le cœur.

66 Tu les poursuivras dans ta colère, et tu les effaceras, ô Eternel ! de dessous les cieux.

REFLEXIONS

Voici un chapitre qui est très propre pour l’instruction et pour la consolation des personnes qui sont dans la souffrance.

On y voit :

I. Que Dieu expose les hommes à divers maux, qu’il les punit quelque fois avec bien de la sévérité et qu’il les réduit dans un état où il semble qu’il les ait tout à fait abandonné et qu’il n’y ait plus d’espérance, ni de ressource pour eux.

II. Jérémie nous apprend que ce n’est pas volontiers que Dieu afflige les hommes, mais qu’il le fait avec justice et avec bonté, que lorsqu’il les châtie, il ne les rejette pas entièrement, mais qu’il se propose de les rappeler à lui. Jérémie dit sur cela que les afflictions sont tout à fait salutaires, qu’il est bon à l’homme de porter le joug dans sa jeunesse, que c’est dans la souffrance qu’on apprend à chercher Dieu et que c’est aussi alors que Dieu s’approche de nous, puisqu’il est toujours bon à ceux qui espèrent en lui et à l’âme qui le cherche.

III. Le prophète nous assure que les biens et les maux procèdent du commandement du Très-haut et qu’il ne se fait rien ici-bas que par sa volonté. Il nous instruit du devoir des personnes affligées en disant que l’homme ne doit pas perdre courage à cause de ses péchés, mais qu’il doit rechercher ses voies, les sonder, élever son cœur et ses mains à Dieu, lui confesser ses fautes et les abandonner.

Enfin, le prophète déclare que Dieu s’apaise envers ceux qui s’humilient ainsi et qui profitent des coups de sa verge.

C’est là une doctrine que nous devons bien comprendre et bien retenir pour en faire usage en tout temps et surtout dans l’adversité.

CHAPITRE IV.

Il y a trois parties dans ce chapitre : I. Jérémie décrit les terribles jugements de Dieu sur les Juifs et il compare l’état heureux où ils avaient été avant leur ruine avec l’état déplorable où ils se rencontraient. I. Il marque la cause de tous ces malheurs, savoir, leurs rébellions et principalement les péchés des sacrificateurs et des prophètes. III. Il prédit la délivrance des Juifs et il dénonce la vengeance de Dieu aux Iduméens.

Aleph. Comment l’or est-il devenu obscur, et le fin or a-t-il changé de couleur ? Comment les pierres du sanctuaire sont-elles semées aux coins de toutes les rues ?

Beth. Comment les chers enfants de Sion, qui étaient estimés comme le meilleur or, sont-ils réputés comme des vaisseaux de terre, qui ne sont que l’ouvrage de la main d’un potier ?

Guimel. Les monstres marins tendent les mamelles et allaitent leurs petits ; mais la fille de mon peuple a affaire à des gens cruels comme les chouettes du désert.

Daleth. La langue de celui qui tétait s’est attachée à son palais dans sa soif ; les petits enfants ont demandé du pain, et personne ne leur en a rompu.

Hé. Ceux qui mangeaient des viandes délicates sont demeurés désolés par les rues, et ceux qui étaient nourris sur l’écarlate, sont entourés d’ordure ;

Vau. Et la peine de l’iniquité de la fille de mon peuple est plus grande que la peine du péché de Sodome, qui fut renversée, comme en un moment, sans que les mains des hommes y contribuassent.

Zajin. Ses hommes honorables étaient plus éclatants que la neige, plus blancs que le lait ; leur teint était plus vermeil que des pierres précieuses, et ils étaient polis comme un saphir.

Heth. Leur visage est plus obscur que la noirceur ; on ne les reconnaît plus par les rues ; leur peau tient à leurs os, elle est devenue sèche comme du bois.

Teth. Ceux qui ont été tués par l’épée, ont été plus heureux que ceux qui sont morts par la famine ; parce que ceux-ci ont été consumés peu à peu, étant péris par le défaut du revenu des champs.

10 Jod. Les mains des femmes, naturellement pitoyables, ont fait cuire leurs enfants, qui leur ont servi de viande, dans la ruine de la fille de mon peuple.

11 Caph. L’Eternel a satisfait son courroux, il a répandu l’ardeur de sa colère ; il a allumé dans Sion le feu qui a dévoré ses fondements.

12 Lamed. Les rois de la terre et tous les habitants du monde n’auraient jamais cru que l’adversaire et l’ennemi fût entré par les portes de Jérusalem.

13 Mem. Cela est arrivé à cause des péchés de ses prophètes, et des iniquités de ses sacrificateurs, qui répandaient le sang des justes au milieu d’elle.

14 Nun. Ils allaient çà et là par les rues, comme des aveugles, ils se souillaient dans le sang, en sorte qu’ils ne pouvaient s’empêcher de le toucher de leurs habits.

15 Samech. On leur criait : Retirez-vous, cela est souillé, retirez-vous, retirez-vous, n’y touchez point. Ils se sont envolés, même ils ont couru cà et là. On a dit parmi les nations : Ils n’y demeureront plus.

16 Pé. La force de l’Eternel les a écartés, il ne les regardera plus. Ils n’ont point eu de respect pour la face des sacrificateurs, ni de pitié des vieillards.

17 Hajin. Et pour nous, nos yeux se sont consumés jusqu’ici après un vain secours ; nous avons regardé attentivement vers une nation qui ne pouvait pas nous délivrer.

18 Tsadi. Ils ont épié nos pas, afin que nous ne marchassions point par nos places ; notre fin est arrivée, nos jours sont accomplis, notre fin est venue.

19 Koph. Nos persécuteurs ont été plus légers que les aigles des cieux ; ils nous ont poursuivis sur les montagnes ; ils ont mis des embûches contre nous dans le désert.

20 Resch. Celui qui nous faisait respirer, l’oint de l’Éternel, a été pris dans leurs fosses ; celui duquel nous disions : Nous vivrons parmi les nations sous son ombre.

21 Scin. Réjouis-toi et sois dans la joie, fille d’Edom, qui demeures dans le pays de Huts ; la coupe passera aussi vers toi ; tu en seras enivrée, et tu seras découverte.

22 Thau. Fille de Sion, la peine de ton iniquité est accomplie ; le Seigneur ne te transportera plus, mais il visitera ton iniquité ; ô fille d’Edom ! il découvrira tes péchés.

REFLEXIONS

Ce qu’il y a à considérer ici, c’est :

I. Le changement qui arriva dans l’état des Juifs. Après s’être vu dans la prospérité, ils furent dépouillés de leurs avantages et accablés de tous les maux imaginables, Dieu ayant répandu sur eux tous ses fléaux et toute l’ardeur de sa colère.

Voilà comment ceux que Dieu a le plus favorisés éprouvent ses plus sévères châtiments lorsqu’ils abusent de ses grâces.

II. Jérémie dit que toutes ces adversités étaient arrivées aux Juifs : à cause des péchés de leurs prophètes et des iniquités de leurs sacrificateurs. Ces paroles sont remarquables. Elles montrent que l’une des choses qui allument le plus la colère de Dieu, ce sont les péchés des personnes publiques et surtout ceux des ministres de la religion, la dépravation et l’impiété des conducteurs entraînant ordinairement après elle celle du peuple.

III. Les menaces qui sont ici faites contre les Iduméens sont fondées sur ce qu’ils avaient eu de la joie à la ruine des Juifs et qu’ils y avaient même contribué.

De là il paraît que, si ceux que Dieu aime ne sont pas épargnés, les méchants et les impies ne doivent pas se flatter de demeurer impunis.

CHAPITRE V.

C’est ici une prière où Jérémie supplie le Seigneur d’avoir pitié de Jérusalem et des Juifs, il représente leur extrême désolation, il confesse qu’ils souffraient la juste peine des péchés de leurs pères et il demande à Dieu de rétablir sa ville et son peuple dans leur premier état.

1 Souviens-toi, ô Éternel ! de ce qui nous est arrivé ; regarde et vois notre opprobre.

2 Notre héritage a été transporté à des étrangers ; nos maisons à des gens de dehors.

3 Nous sommes devenus comme des orphelins qui sont sans pères ; et nos mères sont comme des veuves.

4 Nous avons bu notre eau pour de l’argent, et notre bois nous a été mis à prix, l’allant chercher sur notre cou.

5 Nous avons souffert la persécution ; nous avons travaillé, et nous n’avons point eu de repos.

6 Nous avons tendu la main aux Égyptiens et aux Assyriens, pour nous rassasier de pain.

7 Nos pères ont péché, et ne sont plus ; et nous avons porté la peine de leurs iniquités.

8 Des esclaves ont dominé sur nous, et personne ne nous a délivrés de leurs mains.

9 Nous allions chercher notre pain au péril de notre vie, à cause de l’épée qui était au désert.

10 Notre peau a été noircie comme un four, par l’ardeur véhémente de la faim.

11 Ils ont déshonoré les femmes dans Sion, et les vierges dans les villes de Juda.

12 Les principaux ont été pendus par leur main, et on n’a porté aucun respect à la face des anciens.

13 Ils ont pris les jeunes gens pour moudre, et les enfants sont tombés sous le bois.

14 Les anciens ont cessé de se trouver aux portes, et les jeunes gens de chanter.

15 La joie de notre cœur a cessé, et notre danse est changée en deuil.

16 La couronne de notre tête est tombée ; maintenant malheur à nous, parce que nous avons péché.

17 C’est pourquoi notre cœur est dans la tristesse, et c’est à cause de ces choses que nos yeux sont obscurcis ;

18 à cause de la montagne de Sion, qui est désolée, tellement que les renards s’y promènent.

19 Mais toi, Éternel ! tu demeures éternellement, et ton trône est d’âge en âge.

20 Pourquoi nous oublierais-tu à jamais, et pourquoi nous abandonnerais-tu si longtemps ?

21 Convertis-nous à toi, Éternel ! et nous serons convertis ; renouvelle nos jours comme ils étaient autrefois.

22 Mais tu nous as entièrement rejetés, et tu t’es courroucé contre nous à toute extrémité.

REFLEXIONS

I. zèle et l’ardeur avec laquelle Jérémie demande au Seigneur d’avoir compassion de son peuple doit nous inciter à faire en tout temps des prières ardentes pour la prospérité et pour les besoins de l’église, soit qu’elle se trouve dans la souffrance, soit que le vice et l’impiété y fassent de tristes ravages.

II. Il faut faire une attention particulière à ces paroles du prophète : Nos pères ont péché, ils ne sont plus et nous portons la peine de leurs crimes.

On ne doit pas croire que Dieu, qui est juste et bon, punisse les enfants et les exclus de sa grâce à cause des péchés que leurs pères ont commis, mais il arrive souvent que Dieu, pour châtier les pères et pour le bien des enfants mêmes, les expose en cette vie aux calamités que leurs pères se sont attirées par leurs crimes. Ce fut ce qu’éprouvèrent les juifs captifs à Babylone. C’est de quoi Dieu les avait menacés en disant dans sa loi : Qu’il punirait l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération.

Et c’est ce qui arrive tous les jours dans le cours de la providence.

Enfin, l’humble prière que Jérémie adresse à Dieu pour obtenir le rétablissement du peuple juif nous montre que lorsque Dieu nous châtie et qu’il nous traite même avec plus de sévérité, nous devons implorer sa miséricorde avec une sérieuse repentance et que c’est par là que nous pouvons nous procurer le retour de ses bontés.