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ARGUMENT        

Job a été un homme illustre par sa piété et par sa patience et il vivait environ le temps auquel les enfants d’Israël étaient en Égypte.

 On voit trois choses dans ce livre :

I. Les afflictions de Job. II. Les entretiens qu’il eut avec ses amis sur cette question, si Dieu afflige les gens de bien en ce monde et si l’adversité est une marque de sa colère ? III. La fin des afflictions de Job et son rétablissement dans la prospérité. Ce livre est écrit dans un style figuré, mais il renferme plusieurs belles instructions et nous devons surtout y remarquer les sentiments que l’on avait du temps de Job sur les principales vérités et sur les plus importants devoirs de la religion.

Au reste, le témoignage que Dieu rend à Job par le prophète Ézéchiel, en le mettant au rang des plus saints hommes tels qu’étaient Noé et Daniel et ce que l’Apôtre St. Jacques dit de lui, confirme la vérité de cette histoire et nous oblige à considérer avec d’autant plus d’attention ce qui est contenu dans ce livre.

Chapitres  CHAPITRE I CHAPITRE II.  CHAPITRE III.  CHAPITRE IV.   CHAPITRE V.  CHAPITRE VI.  CHAPITRE VII.  CHAPITRE VIII.   CHAPITRE IX..  CHAPITRE X.   CHAPITRE XI.   CHAPITRE XII. CHAPITRE XIII.  CHAPITRE XIV.   CHAPITRE XV.   CHAPITRE XVI. CHAPITRE XVII.  CHAPITRE XVIII.  CHAPITRE XIX.   CHAPITRE XX.  CHAPITRE XXI.  CHAPITRE XXII.  CHAPITRE XXIII.  CHAPITRE XXIV.   CHAPITRE XXV.   CHAPITRE XXVI.   CHAPITRE XXVII.  CHAPITRE XXVIII.  CHAPITRE XXIX. CHAPITRE XXX.   CHAPITRE XXXI. CHAPITRE XXXII.  CHAPITRE XXXIII.  CHAPITRE XXXIV.  CHAPITRE XXXV.   CHAPITRE XXXVI.   CHAPITRE XXXVII. CHAPITRE XXXVIII.   CHAPITRE XXXIX.  CHAPITRE XL.   CHAPITRE XLI.   CHAPITRE XLII.  LIVRES DU VIEUX TESTAMENT.

CHAPITRE I

Le premier chapitre nous apprend trois choses :

I. Quelle était la piété et la prospérité de Job. II. Comment Dieu, pour l’éprouver et pour confondre les calomnies de satan, permit qu’il perdît tous ses biens et ses enfants.

III. La résignation avec laquelle il reçut toutes ces afflictions.

1 Il y avait un homme au pays de Huts, dont le nom était Job ; et cet homme-là était intègre et droit ; il craignait Dieu, et se détournait du mal.

2 Et il lui naquit sept fils et trois filles.

3 Et il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents couples de bœufs et cinq cents ânesses, et un grand nombre de serviteurs ; et cet homme était le plus grand de tous les Orientaux.

4 Et ses fils allaient les uns chez les autres, et se traitaient chacun à son tour ; et ils envoyaient convier aussi leurs trois sœurs pour manger et boire avec eux.

5 Puis, quand le tour des jours de leurs festins était achevé, Job envoyait vers eux, et il les purifiait, et se levant de bon matin, il offrait des holocaustes pour chacun d’eux. Car Job, disait : Peut-être que mes enfants auront péché, et qu’ils auront blasphémé contre Dieu dans leurs cœurs. Et Job en usait toujours ainsi.

6 Or, il arriva un jour que les enfants de Dieu vinrent se présenter devant l’Eternel, et Satan aussi entra parmi eux.

7 Alors l’Eternel dit à Satan : D’où viens-tu ? Et Satan répondit à l’Eternel, disant : Je viens de courir çà et là par la terre, et de m’y promener.

8 Et l’Eternel lui dit : N’as-tu point considéré mon serviteur Job, qui n’a point d’égal sur la terre, cet homme intègre et droit, qui craint Dieu et qui se détourne du mal ?

9 Et Satan répondit à l’Eternel, disant : Est-ce en vain que Job craint Dieu ?

10 Ne l’as-tu pas environné de biens de toutes parts, et sa maison, et tout ce qui lui appartient ? Tu as béni l’œuvre de ses mains, et son bétail a fort multiplié sur la terre.

11 Mais étends maintenant ta main, et touche tout ce qui lui appartientet tu verras s’il ne te maudit pas en face.

12 Et l’Eternel dit à Satan : Voilà, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir ; mais ne mets point la main sur lui. Et Satan sortit de devant la face de l’Eternel.

13 Il arriva donc un jour, comme les fils et les filles de Job mangeaient et buvaient dans la maison de leur frère aîné,

14 qu’un messager vint à Job, et lui dit : Les bœufs labouraient, et les ânesses paissaient auprès ;

15 et ceux de Scéba se sont jetés dessus et les ont pris, et ils ont passé les serviteurs au fil de l’épée ; et je suis échappé moi seul pour te le rapporter.

16 Cet homme parlait encore, lorsqu’un autre vint et dit : Le feu de Dieu est tombé des cieux, et il a brûlé les brebis et les serviteurs, et les a consumés ; et je suis échappé moi seul pour te le rapporter.

17 Cet homme parlait encore, lorsqu’un autre vint et dit : Les Caldéens, rangés en trois bandes, se sont jetés sur les chameaux et les ont pris, et ils ont passé les serviteurs au fil de l’épée ; et je suis échappé moi seul pour te le rapporter.

18 Cet homme parlait encore, lorsqu’un autre vint et dit : Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient dans la maison de leur frère aîné ;

19 et voici, un grand vent s’est levé au-delà du désert, qui a donné contre les quatre coins de la maison, si fortement qu’elle est tombée sur ces jeunes gens, et ils sont morts ; et je suis échappé moi seul pour te le rapporter.

20 Alors Job se leva, il déchira son manteau, et il tondit sa tête, et se jetant par terre il se prosterna devant Dieu ;

21 et il dit : Je suis sorti nu du ventre de ma mère, et j’y retournerai nu. L’Éternel l’avait donné, l’Éternel l’a ôté : que le nom de l’Éternel soit béni !

22 Dans toutes ces choses, Job ne pécha point, et il n’attribua rien de mal convenable à Dieu.

REFLEXIONS

I. La première réflexion qu’il faut faire sur ce chapitre regarde la grande piété de Job. Nous en avons une preuve convaincante dans le témoignage que Dieu lui rend en disant que c’était un homme intègre et droit, qu’il craignait le Seigneur, qu’il se détournait du mal et qu’il n’avait pas son égal sur la terre à cet égard. Sa piété paraît aussi dans le soin qu’il avait de faire des prières et des sacrifices pour ses enfants.

On peut voir par là qu’il y a eu dans les siècles les plus éloignés des personnes douées d’une grande piété et que le devoir des pères est de prier pour leurs enfants et de faire régner la crainte de Dieu dans leurs familles.

II. La seconde réflexion concerne les grandes richesses et la prospérité de Job et le changement qui arriva dans son état. Il était l’homme le plus riche des pays où il habitait, mais il perdit tout à la fois ses biens, ses enfants et tout ce qu’il avait de plus cher et il se vit réduit dans l’état le plus déplorable. C’est là un exemple bien remarquable qui nous apprend que les gens de bien jouissent quelquefois de la prospérité et des avantages de cette vie, mais que Dieu les en prive aussi et leur envoie de grandes adversités et qu’ainsi les afflictions ne sont pas toujours une preuve de la colère de Dieu.

III. Ce que Dieu dit à satan marque ces deux choses :

L’une, que le diable et les hommes ne peuvent nuire aux enfants de Dieu qu’autant que Dieu le leur permet et l’autre, que quand Dieu expose ses enfants à la souffrance et aux tentations, il le fait afin d’éprouver et de manifester leur foi et leur piété.

Enfin, l’on doit faire une attention particulière à la manière dont Job reçut toutes ces adversités. Il fit paraître une résignation et une constance admirable au milieu de ses malheurs et il bénit même Dieu dans ce triste état.

C’est ainsi que nous devons glorifier Dieu par notre patience, recevoir sans murmurer toutes les afflictions qu’il nous dispense, quelques rudes qu’elles soient, le bénir dans l’adversité aussi bien que dans la prospérité et dire en toutes choses : Le Seigneur l’avait donné, le Seigneur l’a ôté, que le nom du Seigneur soit béni !

CHAPITRE II

Dieu permet à satan, qui continuait à accuser Job :

I. De le frapper d’une maladie fâcheuse et très douloureuse. II. Job reçoit cette nouvelle épreuve avec constance et il reprend sa femme de ce qu’elle le sollicitait au murmure. III. Les amis de Job viennent le visiter.

1 Il arriva encore un jour, que les enfants de Dieu étant venus pour se présenter devant l’Éternel, et Satan aussi étant entré parmi eux, pour se présenter devant l’Éternel,

2 l’Éternel dit à Satan : D’où viens-tu ? Et Satan répondit à l’Éternel : Je viens de courir çà et là par la terre, et de m’y promener.

3 Et l’Éternel dit à Satan : N’as-tu point considéré mon serviteur Job, qui n’a point d’égal sur la terre, cet homme intègre et droit, qui craint Dieu et qui se détourne du mal ? Tu vois comme il garde encore son intégrité, et, cependant, tu m’as incité contre lui pour l’engloutir sans sujet.

4 Et Satan répondit à l’Éternel : Chacun donnera peau pour peau, et tout ce qu’il a, pour sa vie.

5 Mais étends maintenant ta main, et touche ses os et sa chair, et tu verras s’il ne te maudit pas en face.

6 Et l’Éternel dit à Satan : Voici, il est en ta puissance ; prends seulement garde de toucher à sa vie.

7 Ainsi, Satan sortit de devant l’Éternel, et frappa Job d’un ulcère malin, depuis la plante du pied jusqu’au sommet de la tête.

8 Et il prit un morceau de pot de terre pour se gratter, et il était assis dans la cendre.

9 Et sa femme lui dit : Tu conserveras encore ton intégrité! Bénis Dieu et meurs.

10 Et il lui répondit : Tu parles comme une femme impie. Quoi ? nous recevrons les biens de la main de Dieu et nous n’en recevrons point les maux ? Dans toutes ces choses, Job ne pécha point par ses lèvres.

11 Or, trois des intimes amis de Job, Eliphaz Thémanite, Bildad Sçuhite, et Tsophar Nahamathite, ayant appris tous les maux qui lui étaient arrivés, partirent chacun du lieu où ils étaient, et convinrent ensemble d’un jour pour venir s’affliger avec lui et pour le consoler.

12 Ces amis levant de loin leurs yeux, ne le reconnurent point, et élevant leur voix, ils pleurèrent et déchirèrent chacun leur manteau, et répandirent de la poudre sur leurs têtes, en la jetant en l’air vers les cieux.

13 Et ils s’assirent à terre avec lui, pendant sept jours et sept nuits, et nul d’eux ne lui dit aucune parole ; car ils voyaient que sa douleur était forte, grande.

REFLEXIONS

Voici ce qu’il y a à considérer sur les trois parties de ce chapitre :

I. Que Dieu, pour confondre satan et pour manifester pleinement la sincère piété de Job, permit à satan de frapper ce Saint homme d’une maladie étrangeet très douloureuse après qu’il eût perdu son bien et ses enfants.

Dieu envoie souvent à ceux qu’il aime le plus les maux les plus rudes et des afflictions de toutes les sortes, mais il le fait pour les éprouver et pour leur donner occasion de lui marquer tant mieux la sincérité de leur attachement.

II. Dans la seconde partie du chapitre, il y a à remarquer :

D’un côté le procédé de la femme de Job qui, au lieu de le consoler et de l’encourager, le sollicitait à murmurer contre Dieu et à le maudire et de l’autre la merveilleuse constance de Job qui conserva toujours son intégrité et qui dit à sa femme

Quoi ? Nous recevrions les biens de la main de Dieu et nous n’en recevrions pas les maux ?

Il faut penser là-dessus que les personnes qui sont unies par le mariage ou autrement commettent un très grand péché quand elles ne s’édifient pas les unes les autres et qu’elles ne s’exhortent pas mutuellement à la piété et que lorsqu’il plaît à Dieu de nous affliger, nous devons acquiescer humblement à sa volonté et recevoir de sa main tout ce qu’il nous dispense, les maux ne procédant pas moins de lui et ne nous étant pas moins utiles que les biens.

III. L’exemple des trois amis de Job qui vinrent le visiter dans son adversité nous apprend à nous intéresser pour les personnes affligées et comme le dit St. Paul : à pleurer avec ceux qui pleurent et à les consoler par toutes sortes de moyens.

CHAPITRE III

Job pressé de ses maux maudit le jour de sa naissance. Il souhaite la mort et il se plaint de ce que Dieu l’avait laissé vivre pour endurer tant d’afflictions.

1 Après cela Job ouvrit sa bouche et maudit son jour ;

2 et prenant la parole, il dit :

3 Que le jour auquel je naquis périsse, et la nuit en laquelle il fut dit : Un homme est né.

4 Que ce jour-là ne soit que ténèbres ; que Dieu ne le recherche point d’en haut, et qu’il ne soit point éclairé de la lumière !

5 Que les ténèbres et l’ombre de la mort rendent ce jour souillé ; que les nuées obscures demeurent sur lui ; qu’on l’ait en horreur comme un jour d’amertume !

6 Que l’obscurité couvre cette nuit-là, qu’on ne la mette pas parmi les jours de l’année, et qu’elle ne soit point comptée dans les mois.

7 Que cette nuit-là soit solitaire, et qu’on ne s’y réjouisse point.

8 Que ceux qui maudissent les jours, et ceux qui sont toujours prêts à renouveler leur deuil, la maudissent.

9 Que les étoiles de son crépuscule soient obscurcies ; qu’elle attende la lumière, mais qu’il n’y en ait point, et qu’elle ne voie point les rayons de l’aurore,

10 Parce qu’elle n’a pas fermé le ventre qui m’a porté, et qu’elle n’a point caché à mes yeux le tourment qui m’accable.

11 Que ne suis-je mort dès la matrice ! Que ne suis-je expiré aussitôt que je suis sorti du ventre de ma mère !

12 Pourquoi m’a-t-on reçu sur les genoux ? Et pourquoi m’a-t-on présenté des mamelles, afin que je les suçasse !

13 Car maintenant je serais couché dans le tombeau et je me reposerais ; je dormirais : dès lors j’aurais été en repos,

14 avec les rois et les gouverneurs de la terre, qui se bâtissent des solitudes ;

15 ou avec les princes qui avaient de l’or, et qui avaient rempli leurs maisons d’argent.

16 Ou, pourquoi n’ai-je pas été comme un avorton caché, comme les petits enfants qui n’ont jamais vu la lumière ?

17 C’est là que les méchants ne tourmentent plus personne, et que ceux qui ont perdu leur force, se reposent.

18 C’est là que ceux qui avaient été liés ensemble, jouissent du repos et n’entendent plus la voix de l’exacteur.

19 Le petit et le grand sont là, et l’esclave n’est plus là, sujet à son maître.

20 Pourquoi la lumière est-elle donnée au misérable, et la vie à ceux qui ont le cœur outré ;

21 qui attendent la mort, et elle ne vient point, et qui la recherchent plus que les trésors ;

22 qui seraient ravis de joie, et qui auraient de grands transports s’ils avaient trouvé le sépulcre ?

23 Pourquoi la lumière est-elle donnée à l’homme auquel le chemin est caché, et que Dieu a couvert de tous côtés de ténèbres ?

24 Car je soupire avant que de manger, et mes cris coulent comme des eaux.

25 Parce ce que je craignais le plus, m’est arrivé, et ce que j’appréhendais est tombé sur moi.

26 Je n’ai point eu de paix, je n’ai point eu de repos ni de calme ; et le trouble est venu sur moi.

REFLEXIONS

Il faut regarder les plaintes que Job fait dans ce chapitre comme un effet de la violence de ses maux et c’est ici une de ces infirmités qui peuvent se rencontrer dans les personnes même qui ont une sincère piété, ce qui nous avertit que la faiblesse de la chair est grande et qu’ainsi nous devons prendre garde qu’elle ne nous porte à l’impatience et au murmure.

Job disait qu’il vaudrait mieux pour lui n’être jamais né ou être mort avant son adversité, mais il disait cela dans les mouvements de sa douleur. Car il n’ignorait pas que si Dieu laisse vivre certaines personnes dans d’extrêmes souffrances, on ne doit pas croire que ces gens-là fussent plus heureux d’être morts. Il savait et il reconnait dans ce livre que Dieu est infiniment bon et parfaitement sage, qu’il ne fait rien que pour de bonnes raisons prises de notre propre bien et que l’état où il nous met est toujours celui qui nous convient le mieux.

Nous devons donc nous soumettre avec résignation et avec joie à tout ce qu’il lui plaît de nous dispenser, surtout puisqu’au lieu de nous traiter avec trop de sévérité, il ne nous punit pas selon que nos péchés le méritent. Et si notre faiblesse nous pousse aux murmures et que nous ne découvrions pas d’abord les raisons de la conduite de Dieu envers nous, il faut réprimer ces mouvements d’impatience et porter notre croix tout autant de temps qu’il plaira à Dieu en attendant qu’il mette fin à nos maux.

CHAPITRE IV

Eliphaz, le premier des amis de Job, le reprend de ce qu’il s’abandonnait aux murmures, lui qui avait exhorté autrefois les affligés à la patience. Il lui présente que Dieu afflige les méchants et non les gens de bien. Il rapporte une vision qu’il avait eue par laquelle Dieu lui avait fait connaître quelle était sa justice et quel est le néant et la corruption de l’homme. Par ce discours Eliphaz voulait faire comprendre à Job que c’était à cause de ses péchés que Dieu l’affligeait, que la piété qu’il avait fait paraître pendant sa prospérité n’était pas sincère et qu’il ne connaissait pas bien son néant et son indignité.

1 Alors Eliphaz Thémanite prit la parole et dit :

2 Si nous entreprenons de te parler, te fâcheras-tu ? Mais qui pourrait retenir ses paroles ?

3 Voilà, tu as en toi-même instruit plusieurs, et tu as soutenu les mains qui étaient affaiblies.

4 Tes paroles ont redressé ceux qui chancelaient, et tu as affermi les genoux qui pliaient.

5 Et maintenant que ceci t’est arrivé, tu perds courage ; le mal t’a atteint, et tu es tout éperdu.

6 Ta piété n’a-t-elle pas été ton espérance, et l’intégrité de tes voies, n’a-t-elle pas été ton attente ?

7 Rappelle en ta mémoire, je te prie, qui est l’innocent qui ait jamais péri ; et où est-ce que les hommes droits ont été exterminés ?

8 J’ai toujours vu que ceux qui labourent l’iniquité et qui sèment l’outrage, les moissonnent.

9 Ils périssent par le souffle de Dieu, et ils sont consumés par le vent de sa colère.

10 Le rugissement du lion, et le cri du grand lion cesse ; les dents des lionceaux sont arrachées.

11 Le lion périt faute de proie, et les petits du vieux lion ont été écartés.

12 Pour moi, une parole m’a été adressée en secret, et mon oreille en a entendu quelque peu ;

13 pendant les pensées diverses des visions de la nuit, quand un profond sommeil assoupit les hommes,

14 une frayeur et un tremblement me saisit, qui pénétra tous mes os.

15 Un esprit passa devant moi, qui me fit hérisser les cheveux,

16 et il se tint là, mais je ne connus point son visage ; une figure d’homme était devant mes yeux, et j’entendis une voix basse qui disait :

17 L’homme sera-t-il plus juste que Dieu ? L’homme sera-t-il plus pur que celui qui l’a créé ?

18 Voici, il ne s’assure point sur ses serviteurs, et il met de la lumière dans ses anges ;

19 combien plus ceux qui demeurent dans des maisons d’argile, dont le fondement est dans la poudre, seront-ils consumés à la rencontre d’un vermisseau ?

20 Ils sont détruits du matin au soir, sans qu’on y prenne garde ; et ils périssent pour toujours.

21 L’excellence qui était en eux n’est-elle pas passée ? Ils meurent sans avoir été sages.

REFLEXIONS

La principale réflexion qu’il faut faire sur ce discours d’Eliphaz, c’est que quoi qu’en général il soit vrai que les innocents ne périssent jamais et que Dieu afflige les hommes à cause de leurs péchés, Eliphaz avait pourtant tort de conclure de là que la vertu de Job n’avait pas été sincère. La raison en est que Dieu envoie aussi des maux aux gens de bien. Ainsi ce serait un jugement bien téméraire et tout à fait précipité de croire que ceux que Dieu afflige sont des impies ou des hypocrites par cela seulement qu’ils sont affligés. La piété et la justice veulent au contraire qu’on juge d’eux charitablement, surtout quand leur vie a été innocente comme celle de Job l’avait été.

La vision qu’Eliphaz rapporte ici est très remarquable et pleine d’instructions. Dieu se révélait souvent aux hommes de ce temps-là par des apparitions, par des songes et en faisant entendre sa voix. Ce fut ainsi qu’il se révéla à Eliphaz pour lui apprendre que Dieu est parfaitement juste dans toutes ses œuvres et que l’homme doit reconnaître qu’il n’est rien devant lui qu’une créature infirme et corrompue.

CHAPITRE V

Eliphaz parle des jugements de Dieu sur les méchants et sur leur postérité. Il dit de très belles choses pour montrer quelle est la puissance, la justice et la bonté du Seigneur et en particulier comment il a accoutumé de confondre les méchants et de délivrer les justes. Il parle de l’utilité des châtiments de Dieu, il exhorte Job à profiter de ceux que Dieu lui envoyait et à reconnaître ses péchés et il lui fait espérer que par ce moyen il serait délivré de ses maux et rétabli dans son premier état.

1 Crie maintenant ; y aura-t-il quelqu’un qui te réponde ? Et à qui d’entre les saints t’adresseras-tu ?

2 Certainement la colère tue l’insensé, et le dépit fait mourir celui qui est destitué de sens.

3 J’ai vu l’insensé qui jetait des racines ; mais j’ai aussitôt maudit sa demeure.

4 Ses enfants, bien loin de trouver leur sûreté, sont écrasés à la porte, sans qu’il y ait personne qui les délivre.

5 L’affamé dévore la moisson de cet homme, l’enlevant même d’entre les épines ; et le voleur engloutit ses biens.

6 Car le tourment ne sort point de la poudre, et le travail ne germe point de la terre ;

7 bien que l’homme naisse pour le travail, comme les étincelles s’élèvent pour voler.

8 Certainement, j’aurai recours au Dieu fort ;

9 qui fait des choses si grandes qu’on ne les peut sonder, et qui fait tant de choses merveilleuses qu’on ne les peut compter ;

10 qui répand la pluie sur la face de la terre, et qui envoie les eaux sur les campagnes ;

11 qui élève ceux qui étaient abaissés, et qui fait que ceux qui étaient dans l’affliction, sont élevés et délivrés.

12 Il dissipe les projets des hommes rusés, en sorte qu’ils ne viennent point à bout de leurs desseins.

13 Il surprend les sages dans leur ruse, et le conseil des pervers est renversé.

14 Au milieu du jour ils rencontrent les ténèbres, et ils marchent à tâtons en plein midi, comme dans la nuit.

15 Mais il délivre le pauvre de leur épée, de leur bouche et de la main de l’homme puissant.

16 Ainsi le pauvre remporte ce qu’il a espéré ; mais le méchant a la bouche fermée.

17 Voici, oh ! qu’heureux est l’homme que Dieu châtie ! Ne rejette donc point le châtiment du Tout-Puissant.

18 Car c’est lui qui fait la plaie, et qui la bande ; il blesse, et ses mains guérissent.

19 Il te délivrera dans six afflictions, et à la septième le mal ne te touchera point.

20 Dans un temps de famine il te garantira de la mort, et de l’épée en temps de guerre.

21 Tu seras à couvert du fléau de la langue, et tu n’auras point peur de la désolation quand elle arrivera.

22 Tu riras durant la désolation et la famine ; et tu n’auras point peur des bêtes de la terre.

23 Tu auras même la paix avec les pierres des champs, et tu seras en paix avec les bêtes sauvages.

24 Et tu verras la prospérité dans ta tente, et tu prendras soin de ta demeure, et tu ne pécheras point.

25 Tu verras ta postérité s’augmenter, et tes descendants croître comme l’herbe de la terre.

26 Tu entreras vieux au sépulcre, comme un monceau de gerbes qu’on serre en sa saison.

27 Voilà, nous avons examiné la chose, et elle est comme nous te le disons. Ecoute-le, et considère-le pour ton bien.

REFLEXIONS

Les instructions que nous avons ici sont les suivantes :

I. Que bien que les méchants soient dans la prospérité, le jugement de Dieu les poursuit et que leur bonheur n’est pas de durée. Ce qu’Eliphaz dit ici sur ce sujet est très vrai, mais l’application qu’il en fait à Job n’est pas juste.

II. Que Dieu, dont la puissance et la sagesse sont sans bornes, dispense tous les événements et en particulier tout ce qui arrive aux hommes avec une parfaite justice et une grande bonté en sorte que tôt ou tard les méchants sont confondus et les justes délivrés. C’est ce que l’expérience confirme tous les jours et ce qui doit aussi nous détourner du mal et nous engager à mettre toute notre confiance en Dieu seul.

III. La troisième instruction est que c’est un grand bonheur pour les hommes d’être châtiés et qu’ainsi il faut se soumettre avec joie à l’affliction. Eliphaz marque cela par ces belles paroles : Ô qu’heureux est l’homme que Dieu châtie ! Ne rejette donc point le châtiment du tout-puissant, car c’est lui qui fait la plaie et qui la bande, il blesse et ses mains guérissent.

Il suit de là que le parti que nous devons prendre dans nos maux, c’est de nous humilier devant Dieu, de profiter de ses châtiments et d’avoir recours à lui. Ceux qui le font peuvent s’assurer, comme cela est dit à la fin de ce chapitre, que Dieu les délivrera de leurs souffrances et des dangers auxquels ils sont exposés et qu’il les comblera de ses faveurs après les avoir éprouvés par l’affliction.

CHAPITRE VI

Job répond dans ce chapitre au discours d’Eliphaz et il fait deux choses :

I. Il justifie ses plaintes par la violence des maux qu’il endurait et il continue à souhaiter la mort. II. Il se plaint de ses amis qui, au lieu de le consoler, l’accablaient par leurs reproches.

1 Mais Job répondit et dit :

2 Plût à Dieu que ce qui m’afflige fût bien pesé, et que ma calamité fût mise dans une balance !

3 Car elle se trouverait plus pesante que le sable de la mer ; c’est pourquoi les paroles me manquent.

4 Car les flèches du Tout-Puissant sont en moi ; mon esprit en suce le venin ; les frayeurs de Dieu se rangent en bataille contre moi.

5 L’âne sauvage crie-t-il auprès de l’herbe, et le bœuf mugit-il auprès de son fourrage ?

6 Mange-t-on sans sel ce qui est fade ? Trouve-t-on du goût dans le blanc d’un œuf ?

7 Ce que mon âme refusait de toucher est devenu pour moi comme un pain de langueur.

8 Plût à Dieu que ce que je demande m’arrivât, et que Dieu me donnât ce que j’attends ;

9 et que Dieu voulût me réduire en poudre, et laisser aller sa main pour m’achever !

10 Mais j’ai pourtant cette consolation, (bien que la douleur me consume et qu’elle ne m’épargne point) que je n’ai point caché les paroles du Dieu saint.

11 Quelle est ma force, que je puisse espérer, et quelle est ma fin, que je prolonge ma vie ?

12 Ma force est-elle une force de pierre, et ma chair est-elle d’acier ?

13 N’est-il pas vrai que je ne trouve plus de secours en moi, et que toute ressource m’est ôtée ?

14 Celui qui n’en peut plus devrait avoir des faveurs de son intime ami ; mais il a abandonné la crainte du Tout-Puissant.

15 Mes amis m’ont manqué comme un torrent, et comme le cours impétueux des torrents qui passent ;

16 qui tarissent par la gelée et sur lesquels la neige s’amasse ;

17 et qui, lorsque la chaleur vient, manquent ; et quand ils sentent la chaleur ils disparaissent et s’écoulent de leur lieu ;

18 qui serpentant çà et là par les chemins, se réduisent à rien et se perdent.

19 Les troupes des voyageurs de Téma y pensaient ; ceux qui vont à Scéba s’y attendaient ;

20 mais ils sont honteux d’avoir espéré ; ils étaient allés jusque-là, et ils en ont rougi.

21 Maintenant vous ne me servez de rien. Vous avez vu ma calamité, et vous en avez eu horreur.

22 Est-ce que je vous ai dit : Apportez-moi et faites-moi des présents de votre bien ;

23 et délivrez-moi de la main de l’ennemi, et rachetez-moi de la main des puissants ?

24 Enseignez-moi, et je me tairai, et faites-moi entendre en quoi j’ai tort.

25 Oh ! que des paroles de vérité ont de force ! mais à quoi sert votre censure ?

26 N’avez-vous donc des paroles que pour me reprendre ? Et les discours d’un homme qui n’a plus d’espérance, ne sont-ils que du vent ?

27 Vous vous jetteriez même sur un orphelin, puisque vous vous efforcez d’accabler votre intime ami.

28 Maintenant donc, jetez, je vous prie, les yeux sur moi, et voyez si je mens en votre présence.

29 Revenez à vous-mêmes, je vous prie, et qu’il n’y ait point d’injustice ; revenez, car le droit est de mon côté.

30 Y a-t-il de l’iniquité dans mes discours ? Et mon palais ne sait-il pas discerner mes malheurs ?

REFLEXIONS

Job continue à représenter la rigueur de ses maux et il veut justifier par-là les plaintes auxquelles il s’était laissé aller.

I. Nous devons penser sur cela que non seulement il peut arriver aux personnes que Dieu aime et qui le craignent de se voir dans un état tout à fait déplorable et d’être accablé de souffrances et de douleurs, mais que dans cet état l’infirmité humaine peut les jeter dans l’impatience. Quoi que ce soient-là de ces faiblesses que Dieu pardonne à ses enfants, il faut pourtant tâcher de les surmonter et ne jamais se plaindre trop amèrement quand nous sommes affligés.

II. Pour ce qui est des plaintes que Job fait d’Eliphaz et de ses amis, elles étaient justes, puisqu’au lieu de le consoler, ils venaient lui faire des reproches et jugeaient de lui d’une manière si peu charitable.

Cela nous avertit de faire toujours des jugements favorables des personnes affligées, principalement quand ce sont des gens qui ont eu de la piété, ne pas augmenter leur douleur par des sentiments contraires à la charité, mais de nous conduire plutôt à leur égard avec bonté et compassion et de tâcher d’adoucir l’amertume de leurs maux et de les consoler par toutes sortes de moyens.

CHAPITRE VII

Job décrit les misères de la vie humaine et en particulier la violence des maux qu’il endurait. Il prie Dieu d’avoir pitié de lui et d’épargner sa faiblesse. Il lui expose son trouble et ses frayeurs et il implore sa miséricorde et le pardon de ses péchés.

1 N’y a-t-il pas comme une guerre ordonnée aux mortels sur la terre, et leurs jours ne sont-ils pas comme les jours d’un mercenaire ?

2 Comme un serviteur ne soupire qu’après l’ombre, et comme un ouvrier attend son salaire,

3 ainsi on m’a donné, pour mon partage, des mois qui ne m’apportent rien ; et on m’a ordonné des nuits de travail.

4 Si je suis couché, je dis : Quand me lèverai-je, et quand est-ce que la nuit aura achevé sa mesure ? et je m’inquiète cruellement jusqu’au point du jour.

5 Ma chair est couverte de vers et de mottes de poudre ; ma peau se crevasse et se dissout.

6 Mes jours ont passé plus légèrement que la navette d’un tisserand, et ils se consument sans espérance.

7 Souviens-toi, Éternel ! que ma vie est un vent, et que mon œil ne reverra plus le bien.

8 L’œil de ceux qui me regardent ne me verra plus ; tes yeux seront sur moi, et je ne serai plus.

9 Comme la nuée se dissipe et s’en va, ainsi celui qui descend au sépulcre ne remontera plus.

10 Il ne reviendra plus dans sa maison, et le lieu où il était ne le connaîtra plus.

11 C’est pourquoi je ne retiendrai point ma bouche ; je parlerai dans l’affliction de mon esprit, et je m’entretiendrai dans l’amertume de mon cœur.

12 Suis-je une mer, ou quelque grand poisson, que tu m’aies ainsi resserré ?

13 Quand je dis : Mon lit me soulagera, ma couche emportera quelque chose de ma plainte ;

14 alors tu m’étonnes par des songes, et tu me troubles par des visions.

15 C’est pourquoi je choisirais d’être emporté par une mort violente, et de mourir, plutôt que de subsister comme je suis.

16 Je suis ennuyé de la vie, et je ne vivrai pas toujours. Retire-toi de moi ; car mes jours ne sont que vanité.

17 Qu’est-ce que de l’homme mortel, que tu en fasses un si grand cas, et que tu penses à lui,

18 que tu le châties chaque matin et que tu l’éprouves à tout moment ?

19 Jusqu’à quand différeras-tu de te retirer de moi ; et ne me permettras-tu point d’avaler ma salive ?

20 J’ai péché ; que te ferai-je, conservateur des hommes ? Pourquoi m’as-tu mis pour être en butte, et pour m’être à charge à moi-même ?

21 Et pourquoi n’ôtes-tu pas mon péché, et ne fais-tu pas passer mon iniquité ? car je vais m’endormir maintenant, dans la poussière ; et si tu me cherches le matin, je ne serai plus.

REFLEXIONS

Nous avons à remarquer dans ce chapitre quelle est la vanité et la brièveté de la vie humaine et à combien de misères l’homme est sujet en ce monde.

Job nous met cette vérité devant les yeux en disant : Qu’il y a comme une guerre qui est ordonnée aux mortels sur la terre. Et c’est là ce qu’il nous fait voir par son exemple et par la rigueur de ses souffrances.

Puisque telle est notre condition et que Job, cet homme si saint et si agréable à Dieu, a été traité de la sorte, nous ne devons pas nous attacher aux choses d’ici-bas, ni être surpris si Dieu nous fait passer par diverses afflictions. Considérons plutôt que Dieu fait tout avec bonté et avec sagesse, qu’il nous envoie les maux pour nous faire sentir la vanité de cette vie et pour nous détacher de ce monde, qu’ainsi nous devons nous soumettre humblement à sa volonté, reconnaître notre néant et nos péchés, le prier d’avoir égard à notre faiblesse et de nous pardonner et lui dire dans cette vue avec Job : Qu’est-ce que l’homme mortel que tu en fasses un si grand cas et que tu penses à lui ? J’ai péché, que te ferais-je, conservateur des hommes ? Veuille ôter mon péché et faire passer mon iniquité !

CHAPITRE VIII

Bildad, le second ami de Job, condamne ses plaintes. Il dit que, Dieu étant juste, le malheur de Job et de ses enfants était la peine de leurs péchés. Il prouve par l’expérience de tous les temps que Dieu a accoutumé de punir les méchants et les hypocrites et de bénir au contraire les gens de bien. Par-là Bildad veut obliger Job à reconnaître qu’il s’était attiré par ses péchés les maux qu’il souffrait.

1 Alors Bildad Sçuhite prit la parole et dit :

2 Jusqu’à quand parleras-tu ainsi, et les paroles de ta bouche seront-elles comme un vent impétueux ?

3 Le Dieu fort renverserait-il l’équité ? et le Tout-Puissant renverserait-il la justice ?

4 Si tes enfants ont péché contre lui, il les a aussi livrés à leur péché.

5 Mais si tu recherches le Dieu fort dès le matin, et que tu demandes grâce au Tout-Puissant ;

6 si tu es pur et droit, certainement il se réveillera pour toi, et il fera régner la paix dans l’habitation de ta justice.

7 Et si ton commencement a été petit, ta dernière condition sera beaucoup plus grande.

8 Car, je te prie, interroge les races précédentes, et applique-toi à t'informer avec soin de leurs pères.

9 Car pour nous, nous ne sommes que d’hier, et nous ne savons rien, parce que nos jours sont sur la terre comme une ombre.

10 Mais ceux-là ne t’enseigneront-ils pas, ne te parleront-ils pas, et ne tireront-ils pas ces discours de leur cœur ?

11 Le jonc montera-t-il sans le limon ? L’herbe des marais croîtra-t-elle sans eau ?

12 Ne flétrira-t-elle pas, même avant toutes les herbes, bien qu’elle soit encore dans sa verdure, et qu’on ne la cueille point ?

13 Il en sera ainsi des voies de tous ceux qui oublient le Dieu fort ; et l’attente de l’hypocrite périra.

14 Son espérance sera frustrée, et sa confiance sera comme une maison d’araignée.

15 Il s’appuiera sur sa maison, mais elle n’aura point de fermeté ; il pensera l’affermir, mais elle ne subsistera point.

16 Mais le juste est plein de vigueur, comme une plante exposée au soleil, et ses jets poussent par-dessus son jardin.

17 Ses racines s’entrelacent près des sources, et elles embrassent les pierres des bâtiments.

18 Fera-t-on qu’il ne soit plus en sa place, et que le lieu où il était ne le reconnaisse plus, et qu’il dise : Je ne t’ai point connu ?

19 Voilà la joie qu’il reçoit de sa conduite, et même il en germera d’autres de la poussière après lui.

20 Voilà, le Dieu fort ne rejette point l’homme qui vit dans l’intégrité, et il ne soutient point la main des méchants.

21 Ainsi, il remplira ta bouche de joie, et tes lèvres de chants d’allégresse.

22 Ceux qui te haïssent seront couverts de honte, et la maison des méchants ne subsistera plus.

REFLEXIONS

Ce qu’il faut apprendre de ce chapitre c’est :

I. Que Dieu est juste et sage dans ce qu’il dispense aux hommes, qu’il ne leur fait aucun tort lorsqu’il les afflige et qu’ils n’ont aucun sujet de se plaindre de lui,

II. Que Dieu s’apaise envers ceux qui le recherchent, qui lui demandent grâce et qui s’adonnent à l’intégrité et à la droiture,

III. Qu’on a vu de tout temps des impies et des hypocrites éprouver sa colère et être frustrés de leur attente.

Ce sont là des vérités certaines et des instructions que nous devons bien retenir et qui sont très propres pour nous faire vivre dans la crainte de Dieu et pour nous soutenir dans l’adversité.

Cependant, il ne faut pas croire que les justes ne soient jamais affligés et quoi que ce que Bildad établit dans ce chapitre soit véritable, il faisait pourtant un jugement faux et précipité en disant que Job n’était pas agréable à Dieu parce qu’il était dans l’adversité.

Dieu expose souvent les gens de bien à de très grands maux pour les éprouver et pour les faire servir d’exemple aux autres, mais quoi qu’il puisse leur arriver, ce que Bildad dit est toujours vrai : Que le Dieu fort ne rejette jamais celui qui vit dans l’intégrité.

CHAPITRE IX

Job répond au discours de Bildad son ami. Il convient de ce que Bildad lui avait dit de la justice de Dieu, il reconnait que Dieu est infiniment sage, qu’il a une souveraine autorité sur les hommes et que sa puissance, sa grandeur et sa justice paraissent dans toutes ses œuvres, il confesse qu’il ne saurait se justifier devant lui et il a recours à sa miséricorde. Cependant, il soutient que Dieu afflige les justes aussi bien que les méchants et qu’il permet quelquefois que les impies jouissent de la prospérité et il déclare que, quoi qu’il fût accablé des fléaux de Dieu, il n’avait garde de croire que Dieu le traitât avec trop de sévérité.

1 Mais Job répondit et dit :

2 Certainement, je sais que cela est ainsi, et comment l’homme mortel se justifierait-il devant le Dieu fort ?

3 S’il veut plaider avec lui, il ne lui répondra pas sur un seul article, de mille qu’on lui proposera.

4 Dieu est sage de cœur, et tout-puissant en force. Qui est-ce qui s’est opposé à lui, et s’en est bien trouvé ?

5 Il transporte les montagnes ; et ceux qu’il renverse dans sa colère n’y font aucune attention.

6 Il fait trembler la terre et la remue de sa place, et ses colonnes sont ébranlées.

7 C’est lui qui parle au soleil, et le soleil ne se lève point ; et c’est lui qui tient les étoiles sous son sceau.

8 C’est lui seul qui étend les cieux, qui marche sur les hauteurs de la mer ;

9 qui a fait l’Ourse, l’Orion, et les Pléiades, et les signes qui sont au fond du midi ;

10 qui fait des choses si grandes qu’on ne les peut sonder, et qui fait tant de choses merveilleuses qu’on ne les peut compter.

11 Voici, il passera auprès de moi, et je ne le verrai point ; et il repassera, et je ne l’apercevrai point.

12 S’il ravit, qui le lui fera rendre ? qui est-ce qui lui dira : Que fais-tu ?

13 Dieu ne révoque point sa colère ; et le secours des hommes superbes est abattu sous lui.

14 Combien moins lui répondrais-je, moi, et choisirais-je des paroles pour lui parler ?

15 Moi, je ne lui répondrai point, quand même je serais juste ; mais je demanderai grâce à mon juge.

16 Si lorsque je l’invoque il me répondait, je ne croirais point encore qu’il eût écouté ma voix.

17 Car il m’a écrasé d’un tourbillon, et il a ajouté plaie sur plaie, sans que j’en sache la raison.

18 Il ne me permet point de reprendre haleine ; mais il me rassasie d’amertume.

19 S’il est question de la force, voilà, il est le plus fort ; et s’il faut aller en justice, qui entreprendra ma cause ?

20 Si je me justifie, ma propre bouche me condamnera ; si j’allègue que je suis plein d’intégrité, il me convaincra d’être coupable.

21 Quand je serais plein d’intégrité, je ne me soucierais pas de vivre ; je suis ennuyé de la vie.

22 Tout ce que j’ai dit revient à ceci : C’est que Dieu afflige l’homme qui vit dans l’intégrité, aussi bien que l’impie.

23 Au moins, si le fléau faisait mourir incontinent ; mais il semble se rire de l’épreuve des innocents.

24 La terre est livrée entre les mains du méchant ; qui bouche les yeux de ses juges. Si ce n’est lui, qui est-ce donc ?

25 Et mes jours ont passé plus vite qu’un courrier ; ils se sont enfuis, et ils n’ont pas joui du bien.

26 Ils ont passé avec la même vitesse que des barques de poste ; comme un aigle qui vole après la proie.

27 Si je dis : J’oublierai ma plainte, je cesserai d’être chagrin, je prendrai courage ;

28 je suis effrayé de toutes mes douleurs ; car je sais que tu ne me jugeras point innocent.

29 Je serai trouvé méchant ; pourquoi travaillerais-je en vain ?

30 Quand je me laverais dans de l’eau de neige, et que je nettoierais mes mains en pureté ;

31 alors tu me plongerais dans un fossé, et mes vêtements feraient qu’on m’aurait en horreur.

32 Car il n’est pas un homme comme moi, pour que je puisse lui répondre, et que nous allions ensemble en jugement.

33 Il n’y a personne qui puisse prendre connaissance de la cause qui est entre nous, et qui puisse interposer son autorité entre nous deux.

34 Qu’il ôte donc sa verge de dessus moi, et que sa frayeur ne me trouble plus.

35 Je parlerai alors sans le craindre ; mais dans l’état où je me trouve, je ne suis point à moi-même.

REFLEXIONS

Job nous enseigne dans ce chapitre que l’homme ne saurait se justifier devant Dieu, que si le Seigneur voulait entrer en jugement avec lui, de mille articles, il ne pourrait répondre à un seul, que la puissance de Dieu est infinie et que les hommes étant pécheurs, il ne leur est pas permis de se plaindre de quelque manière qu’il les traite, mais qu’ils doivent tous passer condamnation en sa présence et lui demander grâce. Tout ce discours de Job montre que bien qu’il soutînt qu’il n’était pas un méchant, il ne prétendait pas pour tout cela être juste devant Dieu. Nous devons tous entrer dans les mêmes sentiments, faire de sérieuses et de continuelles réflexions sur toutes ces vérités que Job établit dans ce chapitre et nous exciter par là à craindre Dieu, à nous soumettre à sa volonté et à nous confier en lui.

En particulier, ce que Job dit de l’état où les bons et les méchants sont en ce monde nous apprend   à juger comme il faut des biens et des maux que Dieu dispense aux hommes et à s’acquiescer aux ordres de la providence, soit qu’elle envoie de l’adversité aux gens de bien, soit qu’elle laisse jouir les méchants de la prospérité.

CHAPITRE X

Job continue à se plaindre des grands maux qu’il souffrait et il supplie le Seigneur de ne pas avoir égard à ses péchés. Il le prie que, comme il l’avait formé et lui avait donné la vie, il voulut lui accorder quelque relâche dans ses extrêmes souffrances avant que de le retirer du monde.

1 Ma vie est devenue ennuyeuse à mon âme ; je m’abandonnerai à mes plaintes ; je parlerai dans l’amertume de mon âme.

2 Je dirai à Dieu : Ne me condamne point ; montre-moi pourquoi tu plaides contre moi.

3 Peux-tu te plaire à m’accabler, à rejeter l’ouvrage de tes mains, et à favoriser les desseins des méchants ?

4 As-tu des yeux de chair ? Vois-tu les choses comme l’homme mortel les voit ?

5 Tes jours sont-ils comme les jours de l’homme mortel ? Tes années sont-elles comme les années de l’homme,

6 Que tu fasses la recherche de mon iniquité, et que tu t’informes de mon péché ?

7 Tu sais que je ne suis pas un impie, et qu’il n’y a personne qui puisse me délivrer de ta main.

8 Tes mains m’ont formé, elles ont arrangé toutes les parties de mon corps, et tu me détruirais !

9 Souviens-toi, je te prie, que tu m’as formé comme l’argile, et que tu me feras retourner en poudre.

10 Ne m’as-tu pas coulé comme du lait ? Et ne m’as-tu pas fait cailler comme un fromage ?

11 Tu m’as revêtu de peau et de chair, et tu m’as composé d’os et de nerfs.

12 Tu m’as donné la vie, et tu as usé de miséricorde envers moi, et par tes soins continuels tu as gardé mon esprit.

13 Et tu tenais dans ton cœur toutes ces choses qui me sont arrivées ; je sais qu’elles viennent de toi.

14 Si j’ai péché, tu m’as remarqué, et tu ne m’as point absous de mon iniquité.

15 Si j’ai agi perfidement, malheur à moi ! Si j’ai été juste, je n’en lève pas la tête plus haut ; je suis rassasié d’ignominie : regarde donc mon affliction.

16 Elle va croissant ; tu chasses après moi comme un grand lion, et tu y reviens, et tu te rends admirable contre moi.

17 Tu produis de nouveaux témoins contre moi ; tu multiplies de plus en plus les effets de ton indignation contre moi ; une nouvelle armée vient contre moi.

18 Et pourquoi m’as-tu tiré du sein de ma mère ? Que n’y suis-je expiré, en sorte qu’aucun œil ne m’eût vu !

19 J’aurais été comme n’ayant jamais existé ; et j’aurais été porté du sein de ma mère au sépulcre !

20 Mes jours ne sont-ils pas en petit nombre ? Qu’il me donne donc du relâche, qu’il s’éloigne de moi, et que je respire un peu ;

21 avant que j’aille, pour n’en plus revenir, dans le pays de ténèbres et d’ombre de la mort ;

22 dans le pays d’une obscurité semblable aux ténèbres de l’ombre de la mort, où il n’y a aucun ordre, et où il n’y a que l’horreur des plus épaisses ténèbres.

REFLEXIONS

On voit dans ce chapitre des marques de la piété de Job et de sa faiblesse.

Sa piété paraît dans l’humilité avec laquelle il invoque le Seigneur et dans l’aveu qu’il fait que Dieu était tout puissant et tout juste et que c’était de lui qu’il tenait la vie et toutes choses.

À cet égard nous devons imiter Job en reconnaissant que Dieu est notre créateur, que, comme c’est lui qui nous a donné la vie, il peut aussi disposer de nous de la manière qu’il lui plaît et que les hommes étant outre cela coupables et pécheurs, il ne leur fait aucun tort lorsqu’il les expose à la souffrance.

Mais nous voyons aussi des marques de la faiblesse de Job dans ses plaintes et surtout en ce qu’il dit qu’il vaudrait mieux pour lui n’être jamais né. Il y avait de l’excès dans ce discours de Job, quoi que les hommes puissent souffrir, Dieu a toujours de sages et de justes raisons de leur accorder la vie, mais c’était la violence des maux de Job qui lui faisait dire des choses qu’il n’aurait pas dites dans un autre état.

Ceci nous apprend à posséder toujours nos âmes en patience, en sorte que la souffrance ne nous fasse jamais murmurer. Tout ce qui nous est permis quand nous sommes affligés c’est de prier Dieu qu’il épargne notre faiblesse et qu’il nous donne quelque relâche dans nos maux.

CHAPITRE XI

Tsophar, le troisième des amis de Job, le blâme d’avoir parlé comme si Dieu l’avait affligé à tort. Il lui propose la grandeur de Dieu, sa sagesse, sa puissance et sa justice et il lui promet que, s’il a recours à Dieu par la repentance et par la prière, Dieu fera cesser ses maux et le rétablira dans la prospérité.

1 Alors, Tsophar Nahamathite prit la parole et dit :

2 Ne répondra-t-on point à tant de discours, et ne faudra-t-il qu’être un grand parleur, pour être justifié ?

3 Tes discours vains feront-ils taire les gens ? Te moqueras-tu des autres, sans que personne te confonde ?

4 Car tu as dit : Mes discours sont purs, et je suis net devant tes yeux.

5 Certainement, il serait à souhaiter que Dieu parlât, et qu’il ouvrit sa bouche avec toi.

6 Il te montrerait les secrets de sa sagesse, savoir, qu’il pourrait t’affliger au double. Reconnais donc que Dieu exige de toi beaucoup moins que ton iniquité ne mérite.

7 Trouverais-tu le fond en Dieu en le sondant ? Trouverais-tu parfaitement le Tout-Puissant ?

8 Ce sont les hauteurs des cieux ; qu’y ferais-tu ? C’est une chose plus profonde que les enfers ; qu’y connaîtrais-tu ?

9 Son étendue est plus longue que la terre, et plus large que la mer.

10 Soit qu’il renverse, soit qu’il resserre, soit qu’il rassemble, qui l’en empêchera ?

11 Car il connaît la vanité des hommes ; et quand il voit l’iniquité, n’y prendra-t-il pas garde ?

12 Mais l’homme vide de sens le comprendra-t-il ? l’homme qui est né comme un ânon sauvage ?

13 Si tu disposes ton cœur, et que tu étendes tes mains vers Dieu ;

14 si tu éloignes l’iniquité qui est dans ta main, et si tu ne permets point que la méchanceté habite dans tes tentes ;

15 alors, certainement, tu pourras élever ton visage, qui sera sans tache ; tu seras affermi, et tu ne craindras rien ;

16 et tu oublieras tes travaux, et tu n’en auras non plus de souvenir que des eaux qui sont écoulées.

17 Et le temps s’élèvera pour toi plus clair que le midi, et l’obscurité sera comme le matin.

18 Tu seras plein de confiance, parce qu’il y aura lieu d’espérer ; tu creuseras et tu reposeras sûrement.

19 Tu te coucheras, et il n’y aura personne qui t’épouvante, et plusieurs rechercheront ta bienveillance.

20 Mais les yeux des méchants seront consumés ; il n’y aura point de ressource pour eux, et leur attente sera de rendre l’âme.

REFLEXIONS

Il y a trois choses à remarquer dans ce chapitre :

I. La première est que Tsophar condamne les discours et les plaintes de Job et qu’il lui représente dans cette vue que Dieu est souverainement juste en tout ce qu’il fait. Bien que Tsophar condamnât Job avec trop de rigueur, ce qu’il dit ici est vrai dans le fond et nous enseigne à reconnaître en touteschoses la puissance et la justice de Dieu et à adorer sa providence dont les voies sont si admirables et si pleines d’équité.

Ces considérations nous convaincront qu’au lieu de murmurer lorsqu’il nous fait passer par la souffrance, nous devons reconnaître avec humilité la justice de ses jugements et même le support dont il use envers nous.

II. Les promesses que Tsophar fait à Job en l’assurant que s’il se convertissait à Dieu, il se verrait rétabli dans sa première prospérité, sont fondées sur cette vérité très certaine que Dieu se fait trouver à ceux qui le cherchent avec humilité et que lorsque les pécheurs confessent leurs péchés et les abandonnent, il s’apaise envers eux.

III. Enfin, nous apprenons du discours de Tsophar qu’un homme de bien est toujours ferme et plein de confiance, qu’il ne craint rien, qu’il repose sûrement, qu’il se couche sans que personne l’épouvante et qu’aucun événement ne peut l’ébranler.

Par où nous voyons qu’il n’y a qu’une sincère piété et la confiance en Dieu qui puissent rendre l’homme heureux en ce monde et lui faire passer la vie avec tranquillité et sans crainte.

CHAPITRE XII

Job répond à ce que Tsophar lui avait dit de la grandeur de Dieu et de sa sagesse infinie. Il tombe d’accord que Dieu donne des preuves si évidentes de sa puissance et de sa sagesse dans le gouvernement du monde qu’il n’y a personne qui ne puisse le remarquer. C’est ce qu’il fait voir par des exemples pris de la nature et de ce qui arrive aux hommes en particulier auxquels il envoie tantôt la prospérité et tantôt l’adversité, élevant les uns et abaissant les autres selon qu’il le trouve à propos.

1 Mais Job répondit et dit :

2 Vraiment, êtes-vous tout un peuple, et la sagesse mourra-t-elle avec vous ?

3 J’ai du sens aussi bien que vous ; je ne vous suis point inférieur ; et qui ne sait ces choses que vous savez ?

4 Je suis cet homme qui est exposé à la risée de son intime ami, mais qui invoque Dieu et à qui Dieu répond : On se moque de celui qui est juste et plein d’intégrité.

5 Celui dont les pieds sont tout prêts à glisser, est, selon la pensée de celui qui est à son aise, comme un flambeau qu’on méprise.

6 Les tentes des voleurs prospèrent, et ceux qui irritent le Dieu fort sont en sûreté, et Dieu leur met tout entre les mains.

7 Et en effet, je te prie, interroge les bêtes, et chacune d’elles t’enseignera ; ou les oiseaux des cieux, et ils te le déclareront.

8 Ou, parle à la terre, et elle t’instruira, et même les poissons de la mer te le raconteront.

9 Qui est-ce qui ne sait que c’est la main de Dieu qui a fait toutes ces choses ?

10 Car c’est lui qui tient en sa main l’âme de tout ce qui vit, et l’esprit de toute chair humaine.

11 L’oreille ne juge-t-elle pas des discours, comme le palais goûte les viandes ?

12 La sagesse est dans les vieillards, et l’intelligence est le fruit d’une longue vie.

13 Mais c’est en Dieu que se trouve la sagesse et la force ; c’est à lui qu’appartient le conseil et l’intelligence.

14 Voilà, il démolira, et on ne rebâtira point ; s’il renferme quelqu’un, on n’ouvrira point.

15 Voilà, il retiendra les eaux, et tout deviendra sec ; il les lâchera, et elles renverseront la terre.

16 C’est en lui que résident la force et l’adresse ; c’est de lui que dépendent tant celui qui s’égare, que celui qui le fait égarer.

17 Il emmène dépouillés les conseillers, et il frappe d’étourdissement les juges.

18 Il détache le lien des rois, et il met la ceinture sur leurs reins.

19 Il emmène dépouillés ceux qui sont en autorité, et il renverse les puissants.

20 Il ôte la parole aux plus assurés ; il prive de sens les vieillards.

21 Il fait tomber dans le mépris les principaux d’entre les peuples ; il relâche la ceinture des plus forts.

22 Il met en évidence les choses qui étaient cachées dans les ténèbres, et il produit au jour l’ombre de la mort.

23 Il multiplie les nations, et il les fait périr ; il disperse çà et là les nations, et puis il les ramène.

24 Il ôte le courage aux chefs des peuples de la terre ; et il les fait errer dans les déserts, ou il n’y a point de chemin.

25 Ils vont à tâtons dans les ténèbres sans aucune clarté, et il les fait chanceler comme des gens qui sont ivres.

REFLEXIONS

Il paraît dans ce discours de Job que quoi qu’il y eût de l’excès dans les plaintes qu’il avait faites de la rigueur de ses maux, il était pourtant convaincu que Dieu était tout puissant et en même temps parfaitement juste. C’est la doctrine qu’il établit dans ce chapitre où il enseigne que Dieu tient en sa main l’âme de tout ce qui vit, que c’est à lui qu’appartiennent la force et la sagesse, que personne ne peut lui résister, qu’il abaisse les plus puissants, qu’il rend inutile quand il lui plaît la prudence des plus sages et qu’il dispose à son gré de tous les hommes, même des rois et des peuples entiers.

L’usage que nous devons faire de ces vérités est de bien méditer les œuvres du Seigneur et d’apprendre par là à le craindre, à nous confier à lui, à être patients dans l’adversité et à conformer en toutes choses notre volonté à la sienne.

CHAPITRE XIII

Job, après avoir dit dans le chapitre précédent que Dieu est tout puissant et parfaitement juste en tout ce qu’il fait, reproche à ses amis d’avoir mal parlé de la conduite de Dieu envers les méchants et envers les gens de bien. Il témoigne une ferme confiance en Dieu et il le prie de l’épargner et d’avoir pitié de sa faiblesse.

1 Voici, mon œil a vu toutes ces choses ; mon oreille les a ouïes et entendues.

2 Comme vous les savez, je les sais aussi ; je ne vous suis pas inférieur.

3 Mais je parlerai au Tout-Puissant, et je veux alléguer mes raisons au Dieu fort.

4 Et en effet, vous forgez des mensonges, et vous êtes tous des médecins de néant.

5 Plût à Dieu que vous demeurassiez dans le silence, et cela vous serait réputé à sagesse !

6 Ecoutez donc maintenant ma défense, et soyez attentifs à ce que mes paroles répliqueront.

7 Prononceriez-vous des choses injustes en faveur du Dieu fort, et diriez-vous quelque fraude pour lui ?

8 Est-ce à vous de le favoriser, et de plaider la cause du Dieu fort ?

9 Vous en prendra-t-il bien, s’il vous sonde ? Vous jouerez-vous de lui comme d’un homme mortel ?

10 Certainement il vous reprendra même si vous prétendez le favoriser secrètement.

11 Sa majesté ne vous épouvantera-t-elle point ? Et sa frayeur ne tombera-t-elle point sur vous ?

12 Vos discours mémorables sont des sentences de cendre, et vos éminences sont des éminences de boue.

13 Taisez-vous devant moi, et je parlerai ; et qu’il m’arrive ce qui pourra.

14 Pourquoi déchirerais-je ma chair avec mes dents, et tiens-je mon âme entre mes mains ?

15 Voilà, quand il me tuerait, je ne laisserais pas d’espérer en lui, et je défendrais ma conduite en sa présence.

16 Et même, il me délivrerait, mais l’hypocrite ne paraîtra point devant sa face.

17 Ecoutez attentivement mes discours, et prêtez l’oreille à ce que je vais vous déclarer.

18 Voilà, aussitôt que j’aurai déduit par ordre mon droit, je sais que je serai justifié.

19 Qui est-ce qui veut plaider contre moi ? Car maintenant je me tairai, et je mourrai.

20 Seulement, ô Dieu ! ne me fais point ces deux choses, et alors je ne me cacherai point de devant ta face :

21 Eloigne ta main de moi, et que ta frayeur ne m’épouvante plus,

22 et appelle-moi, et je répondrai ; ou je parlerai, et tu me répondras.

23 Combien ai-je commis d’iniquités et de péchés ? Fais-moi connaître mon forfait et mon péché.

24 Pourquoi caches-tu ta face, et me tiens-tu pour ton ennemi ?

25 Déploieras-tu tes forces contre une feuille que le vent emporte ? Poursuivras-tu du chaume sec ?

26 Car tu donnes contre moi des arrêts d’amertume, et tu me fais recevoir la peine des péchés de ma jeunesse.

27 Et tu as mis mes pieds dans les ceps ; tu épies tous mes chemins, et tu observes de près toutes les traces de mes pas.

28 Et ce corps s’en va par pièces comme du bois vermoulu, et comme une robe que la teigne a rongée.

REFLEXIONS

Ce que Job répond à ses amis dans ce chapitre et ce qu’il y dit de la majesté de Dieu et de la justice avec laquelle il se conduit envers les hommes montre bien clairement que si Job s’était plaint trop fortement de ses maux, ces plaintes étaient un effet de son infirmité et qu’elles ne procédaient pas d’un mauvais principe. Nous voyons ici de belles marques de la piété de Job, de la confiance et de l’espérance qu’il avait en Dieu et de sa profonde humilité. Il reconnait humblement son néant et la grandeur de Dieu et il le supplie seulement de lui donner quelque consolation et quelque relâche dans ses douleurs.

C’est ainsi que dans les plus rudes souffrances il faut toujours espérer en Dieu et le prier de ne pas nous châtier en sa colère, mais d’avoir pitié de nous et de se souvenir que nous ne sommes que poudre et que cendre devant lui.

CHAPITRE XIV

Ce chapitre est un tableau de la fragilité de la vie humaine. Job y décrit les misères auxquelles l’homme est sujet pendant sa vie et l’état où il est réduit par la mort. Il fait voir dans sa personne un exemple de ces misères et il prie Dieu d’avoir pitié de lui et surtout de n’avoir pas égard à ses péchés.

1 L’homme né de femme est d’une vie courte et plein d’ennui.

2 Il sort comme une fleur, puis il est coupé ; il s’enfuit comme une ombre, et il ne s’arrête point.

3 Et, cependant, tu as ouvert tes yeux sur lui, et tu me tires en cause contre toi !

4 Qui est-ce qui tirera une chose nette de ce qui est souillé ? Personne.

5 Ses jours sont déterminés ; le nombre de ses mois est entre tes mains ; tu lui as prescrit ses limites, qu’il ne passera point.

6 Retire-toi donc de dessus lui, et qu’il ait quelque repos, jusqu’à ce qu’il ait achevé, comme un mercenaire achève sa journée.

7 Car si un arbre est coupé, il y a de l’espérance, il repoussera encore, et il aura encore des rejetons ;

8 bien que sa racine soit vieillie dans la terre, et que son tronc soit comme mort dans la poussière ;

9 dès qu’il sentira l’eau, il repoussera et produira du fruit, comme un arbre nouvellement planté.

10 Mais l’homme meurt, et perd toute sa force, et il expire ; puis où est-il ?

11 Comme les eaux s’écoulent de la mer, et comme une rivière devient à sec et tarit,

12 ainsi l’homme est couché par terre, et il ne se relève point ; ils ne se réveilleront point ; et ils ne seront point réveillés de leur sommeil, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de cieux.

13 Que je souhaiterais que tu me cachasses dans le sépulcre ; que tu m’y misses à couvert jusqu’à ce que ta colère fût passée ; que tu me donnasses un terme, après lequel tu te souvinsses de moi !

14 Si l’homme meurt, revivra-t-il ? Attendrai-je tous les jours de mon combat, jusqu’à ce qu’il m’arrive quelque changement ?

15 Tu m’appelleras, et je te répondrai, et tu prendras plaisir à l’ouvrage de tes mains.

16 Mais maintenant tu comptes mes pas, et ne prends-tu pas garde à mon péché ?

17 Mes péchés sont cachetés comme dans un faisceau, et tu as cousu ensemble mes iniquités.

18 Certainement, comme une montagne s’éboule en tombant, et comme un rocher est transporté de sa place ;

19 et comme les eaux minent les pierres et entraînent par un débordement la poussière de la terre, et ce qu’elle a produit ; ainsi tu fais périr l’espérance de l’homme mortel.

20 Tu te montres toujours plus fort que lui, et il s’en va ; et lui ayant fait changer de visage, tu le renvoies.

21 Ses enfants seront avancés, mais il n’en saura rien ; ou ils seront abaissés, mais il ne s’en souciera point.

22 Mais sa chair, pendant qu’elle est sur lui, a de la douleur, et son âme s’afflige tandis qu’elle est en lui.

REFLEXIONS

Ce chapitre contient une description de la vanité de notre vie. Nous y voyons que cette vie est courte et accompagnée de beaucoup de misères, qu’on n’y jouit d’aucun bonheur assuré et qu’elle se termine enfin par la mort. Ce sont là des vérités que personne ne peut ignorer et voici l’usage que nous devons en faire.

C’est :

I. De ne pas nous attacher trop à la vie et aux choses de la terre qui sont toutes vaines et passagères,

II. D’être modéré dans la prospérité et de supporter patiemment l’adversité,

III. De prier le Seigneur qu’il lui plaise de nous assister toujours pendant le cours de cette vie périssable et surtout de nous pardonner nos péchés.

IV. Enfin, nous devons bénir Dieu de ce que nous avons dans l’Évangile et dans l’espérance ferme et certaine de la résurrection une consolation efficace et un remède assuré contre la vanité de cette vie et contre la mort. Notre grand soin donc, doit être de profiter du temps et des moyens que Dieu nous accorde pendant que nous sommes en ce monde pour nous affranchir des misères auxquelles nous y sommes sujets et de la mort même et pour nous assurer la possession des véritables biens et d’une meilleure vie.

CHAPITRE XV

Eliphaz parle pour la seconde fois. Il accuse Job d’avoir tenu des discours contraires à la justice de Dieu et à la piété. Il soutient que si les méchants sont heureux pendant quelque temps, Dieu les punit dès cette vie en ce qu’ils n’ont jamais de repos en leur conscience et que leur félicité n’est pas de durée. Il faut se souvenir en lisant ce chapitre que ce qu’Eliphaz y dit est le plus souvent vrai, mais qu’il ne s’ensuit pas de là que tous ceux qui souffrent soient des impies, ni que Job fût un méchant parce qu’il était extraordinairement affligé.

1 Alors Eliphaz Thémanite prit la parole et dit :

2 Un homme sage dans ses réponses, prononcera-t-il des opinions vaines, et remplira-t-il son cœur du vent d’Orient ?

3 Et disputera-t-il avec des discours qui ne servent de rien, et avec des paroles dont on ne peut tirer aucun profit ?

4 Certainement, tu abolis la crainte de Dieu, et tu anéantis la prière qu’on doit présenter au Dieu fort.

5 Car ta bouche montre ton iniquité, et tu as choisi la langue des hommes rusés.

6 C’est ta bouche qui te condamne, et non pas moi, et tes lèvres témoignent contre toi.

7 Es-tu le premier homme né ? As-tu été formé avant les montagnes ?

8 As-tu été instruit dans le conseil secret de Dieu, et en as-tu emporté la sagesse ?

9 Que sais-tu que nous ne sachions pas ? Quelle connaissance as-tu que nous n’ayons aussi ?

10 Il y a aussi parmi nous quelque homme à cheveux blancs, et quelques vieillards ; il y en a même de plus avancés en âge que ton père.

11 Les consolations du Dieu fort sont-elles trop petites pour toi ? Et cela t’est-il caché ?

12 Qu’est-ce qui te fait perdre courage, et pourquoi tes yeux regardent-ils de travers ?

13 Pourquoi pousses-tu ton souffle contre le Dieu fort, et fais-tu sortir de ta bouche de tels discours ?

14 Qu’est-ce que l’homme mortel, pour être pur ; et celui qui est né de femme, pour être juste ?

15 Voici, il ne s’assure point sur ses saints, et les cieux ne se trouvent point purs devant lui ;

16 et combien plus l’homme qui boit l’iniquité comme l’eau, est-il abominable et puant ?

17 Je t’enseignerai ; écoute-moi, et je te raconterai ce que j’ai vu ;

18 ce que les sages ont déclaré, et qu’ils n’ont point caché, et qu’ils avaient reçu de leurs pères ;

19 auxquels seuls ce pays a été donné, et parmi lesquels l’étranger n’est point passé.

20 Le méchant est comme en travail d’enfant tous les jours, et un petit nombre d’années est réservé à l’homme violent.

21 Un cri de frayeur est dans ses oreilles ; au milieu de la paix il croit que le destructeur se jette sur lui.

22 Il ne croit point pouvoir sortir des ténèbres, et il voit toujours l’épée.

23 Il court de tous côtés après le pain, disant : Où y en a-t-il ? Il sait que le jour des ténèbres lui est préparé.

24 L’angoisse et l’adversité l’épouvantent, et elles l’assiègent, comme un roi qui est préparé pour le combat.

25 Parce qu’il a élevé sa main contre le Dieu fort, et qu’il s’est raidi contre le Tout-Puissant.

26 Dieu a couru contre lui, et l’a saisi au plus épais de ses boucliers,

27 parce que la graisse a couvert tout son visage, et qu’elle a fait des plis sur son corps.

28 Il habitera dans les villes détruites, et dans les maisons désertes, qui ne sont plus que des monceaux de pierres ;

29 il ne s’en enrichira point, et ses biens ne croîtront point, et ce qu’il voulait achever ne s’étendra point sur la terre.

30 Il ne pourra se tirer des ténèbres ; la flamme séchera ses branches encore tendres ; et il s’en ira par le souffle de sa bouche.

31 Qu’il ne s’assure point sur la vanité qui le séduit, car la vanité sera sa récompense.

32 Il périra avant que ses jours soient accomplis ; ses branches ne reverdiront point.

33 On lui ravira son verjus comme à une vigne ; et on fera tomber sa fleur comme à un olivier.

34 Car la bande des hypocrites sera désolée ; le feu dévorera les tentes de ceux qui reçoivent les présents.

35 Ils conçoivent le travail, et ils enfantent le tourment, et ils inventent dans leur cœur des tromperies.

REFLEXIONS

Les avertissements qu’Eliphaz donne à Job dans ce discours nous apprennent :

I. Qu’il ne faut jamais murmurer contre Dieu, ni trouver à redire à sa conduite, quoi qu’il nous arrive et que l’homme étant corrompu et souillé, il ne doit point se plaindre des maux qu’il souffre, ni prétendre se justifier devant Dieu qui est la sainteté même.

II. Eliphaz décrit ici avec beaucoup de force les frayeurs dont les méchants sont agités et le trouble d’une mauvaise conscience. Il dit que le méchant est comme en travail tous les jours de sa vie, qu’il est perpétuellement en crainte, qu’il ne jouit jamais d’aucun solide repos et que sa prospérité passe en très peu de temps.

C’est là une vérité que le sentiment de tous les hommes et l’expérience de tous les temps confirment. C’est aussi ce qui doit nous donner une grande crainte du péché puisqu’il nous expose à tant de misères et nous faire embrasser la piété qui seule peut nous procurer la paix intérieure et la tranquillité de la conscience et assurer notre bonheur pour toujours en nous rendant Dieu favorable.

CHAPITRE XVI

Job répond à Eliphaz, il reproche à ses amis leur dureté et il leur dit que s’ils étaient en pareil état que lui, il les consolerait au lieu d’augmenter leur affliction. Il parle encore de ses souffrances, il dit que Dieu l’avait accablé de ses fléaux. Enfin il proteste qu’il ne se sentait coupable d’aucun crime et il prend même Dieu à témoin de son innocence.

1 Mais Job répondit et dit :

2 J’ai souvent entendu de pareils discours ; vous êtes tous des consolateurs fâcheux.

3 N’y aura-t-il point de fin à ces discours en l’air, et qu’est-ce qui te porte à répondre ainsi ?

4 Parlerais-je comme vous faites, si vous étiez en ma place ? accumulerais-je des paroles contre vous, ou hocherais-je la tête sur vous ?

5 Je vous fortifierais par les paroles de ma bouche, et je ne discourrais pas tant.

6 Si je parle, ma douleur n’en sera point soulagée ; et si je me tais, elle ne s’en ira pas.

7 Mais maintenant elle m’accable. Tu as désolé toute ma troupe.

8 Les rides dont tu m’as couvert, sont le témoin de ma douleur ; et la maigreur qui est venue sur mon visage, en rend témoignage.

9 Sa fureur m’a déchiré, il s’est déclaré mon ennemi, il grince les dents sur moi, et étant devenu mon ennemi il étincelle des yeux contre moi.

10 Ils ouvrent leur bouche contre moi ; ils me donnent des soufflets sur la joue pour m’outrager ; ils s’assemblent tous contre moi.

11 Le Dieu fort m’a enfermé sous le pouvoir de l’impie, et il m’a fait tomber entre les mains des méchants.

12 J’étais en repos, et il m’a écrasé ; il m’a saisi au collet, et m’a brisé, et il m’a mis comme en butte à ses traits.

13 Ses archers m’ont environné ; il me perce les reins, et ne m’épargne aucunement, et il répand mes entrailles sur la terre.

14 Il m’a brisé et m’a fait plaie sur plaie ; il a couru sur moi comme un homme puissant.

15 J’ai cousu un sac sur ma peau, et j’ai terni mon éclat dans la poussière.

16 Mon visage est couvert de boue à force de pleurer, et l’ombre de la mort est sur mes paupières.

17 Non qu’il y ait aucun outrage dans mes mains, et que ma prière ne soit pas pure.

18 O terre, ne cache point le sang que j’ai répandu, et que mon cri ne soit point exaucé !

19 Et même, voilà, j’ai maintenant mon témoin dans les cieux, mon témoin est dans les lieux hauts.

20 Mes intimes amis se moquent de moi, et mon œil fond en larmes devant Dieu.

21 Oh ! s’il était permis à l’homme de raisonner avec Dieu, comme un homme raisonne avec son intime ami !

22 Car les années qui me sont déterminées s’en vont, et j’entre dans un sentier d’où je ne reviendrai plus.

REFLEXIONS

Les reproches que Job fait à ses amis de leur dureté en leur disant qu’ils étaient des consolateurs fâcheux et que s’ils étaient en sa place, il ne leur parlerait pas comme ils lui avaient parlé, nous enseignent qu’il ne faut jamais insulter aux malheureux, ni augmenter leur affliction en les traitant avec rigueur ou en faisant des jugements opposés à la charité, mais qu’on doit plutôt les consoler autant qu’on le peut et les supporter dans leurs faiblesses.

Pour ce qui est des plaintes que Job continue à faire dans ce chapitre et des protestations qu’il y fait de son innocence, il ne faut pas prendre ce qu’il dit à la rigueur, ni croire qu’il prétendît être exempt de tout péché et se justifier devant Dieu. Mais comme ses amis l’avaient accusé de s’être attiré par ses péchés les maux qu’il souffrait, sa pensée était simplement qu’il n’était pas coupable de ces crimes que les méchants et les impies commettent et qui les exposent à la malédiction divine.

Toute personne qui craint Dieu sincèrement doit être en état de tenir ce langage et cela doit nous faire reconnaître combien on est heureux quand on vit dans l’innocence et quand, en s’humiliant devant Dieu comme les plus justes doivent toujours le faire, on ose le prendre à témoin de l’intégrité avec laquelle on s’efforce de le servir et de faire sa volonté.

CHAPITRE XVII

Job continue à se plaindre à ses amis qui le condamnaient. Et il dit que dans l’état déplorable où il se rencontrait il ne s’attendait plus qu’à la mort.

1 Mes esprits se dissipent, mes jours vont être éteints, le sépulcre m’attend.

2 Je n’ai à faire qu’à des railleurs, et mon œil veille toute la nuit pendant qu’ils aigrissent mon esprit.

3 Donne-moi, je te prie, un pleige auprès de toi : qui est-ce qui me touchera dans la main ?

4 Car tu as caché à leur cœur l’intelligence ; c’est pourquoi tu ne les élèveras pas.

5 Les yeux des enfants de celui qui parle en flatterie à ses intimes amis, défaudront.

6 Il m’a rendu la fable des peuples, et je suis comme un tambour devant eux.

7 Mon œil est terni de chagrin, et tous les membres de mon corps sont comme une ombre.

8 Les hommes droits en seront étonnés, et l’innocent s’élèvera contre l’hypocrite.

9 Cependant, le juste demeurera ferme dans ses voies, et celui qui a les mains nettes, se fortifiera.

10 Revenez donc vous tous, revenez, je vous prie ; car je ne trouve aucun sage entre vous.

11 Mes jours sont passés ; mes desseins, qui occupaient mon cœur, sont renversés.

12 Ils ont changé la nuit en jour, et la lumière est près des ténèbres.

13 Ce que j’attends, c’est que le sépulcre va être ma maison, et que je dresserai mon lit dans les ténèbres.

14 Je crie à la fosse : Tu es mon père ; et aux vers : Vous êtes ma mère et ma sœur.

15 Où sera donc son attente ? Et qui est-ce qui la verra ?

16 Mes espérances descendront jusqu’aux barrières du sépulcre, et nous nous reposerons ensemble dans la poussière.

REFLEXIONS

Il faut faire ces deux considérations sur ce chapitre.

I. La première que c’est un surcroît d’affliction pour les misérables de voir que ceux-là même qui devraient les plaindre et les consoler aggravent leur douleur par des reproches et par des discours capables d’ébranler leur foi comme les amis de Job faisaient à son égard.

Ceux qui en usent de la sorte envers les malheureux pèchent contre la charité et contre la justice.

II. L’autre considération est que Job parle comme s’il n’attendait plus de consolation et de délivrance que par la mort. Il y a quelque faiblesse dans ce langage, mais on aurait tort de juger des véritables sentiments de Job par ce qu’il disait dans la violence de sa douleur. Il marque en plusieurs endroits de ce livre que dans ses malheurs il espérait toujours en Dieu.

Cela doit nous apprendre à nous affermir tellement dans la crainte de Dieu et dans la foi qu’il ne nous échappe jamais rien qui puisse blesser la soumission que nous devons aux ordres de la providence et que nous soyons toujours animés d’une ferme confiance qui nous soutienne au milieu des plus grandes afflictions et dans la mort même.

CHAPITRE XVIII

Bildad parle pour la seconde fois, il accuse Job de présomption. Et il soutient que Dieu a accoutumé de faire tomber ses jugements sur les méchants et sur leur postérité.

1 Alors Bildad Sçuhite prit la parole et dit :

2 Quand finirez-vous ces discours ? Ecoutez ; et nous parlerons.

3 Pourquoi sommes-nous réputés comme si nous étions des bêtes et pourquoi nous tenez-vous pour souillés ?

4 Ô toi qui te déchires toi-même dans ta fureur, la terre sera-t-elle abandonnée pour toi ? Les rochers seront-ils transportés de leur place ?

5 Certainement, la lumière des méchants sera éteinte, et leur feu ne jettera point d’étincelles.

6 La lumière qui luisait dans la tente de chacun d’eux sera obscurcie, et la lampe qui éclairait sur eux sera éteinte.

7 Ses démarches violentes seront resserrées, et son propre conseil le renversera.

8 Car il sera pris dans les filets par ses pieds, et il marchera sur des rets.

9 Le lacet lui saisira le talon et le voleur sera plus fort que lui.

10 Le piège où il sera pris est caché dans la terre, et la trappe où il tombera est dans son sentier.

11 Les terreurs l’assiégeront de tous côtés, et le feront courir çà et là de ses pieds.

12 Sa force sera affamée, et la calamité sera toujours à son côté.

13 Le premier-né de la mort dévorera ce qui soutient sa peau ; il dévorera ce qui le soutient.

14 Les choses où il mettait sa confiance, seront arrachées de sa tente, et cela le fera marcher vers le roi des frayeurs.

15 On habitera dans sa tente, sans qu’elle soit plus à lui ; et on répandra du soufre sur sa maison.

16 Ses racines sécheront par-dessous, et ses branches seront coupées en haut.

17 Sa mémoire périra de la terre, et on ne parlera plus de son nom dans les places.

18 On le chassera de la lumière dans les ténèbres, et il sera exterminé du monde.

19 Il n’aura ni fils ni petit-fils parmi son peuple, et il n’aura personne qui lui survive dans ses demeures.

20 Ceux qui viendront après lui, seront étonnés du jour de sa ruine ; et ceux qui auront été avant lui, en seront saisis d’horreur.

21 Telles seront les demeures de l’injuste ; et tel sera le lieu de celui qui ne connait point Dieu.

REFLEXIONS

Quoique Bildad eût tort d’appliquer à Job ce qu’il dit dans ce chapitre, la doctrine qu’il y établit ne laisse pas d’être véritable. C’est que si les méchants jouissent de la prospérité pendant quelque temps, elle passe bientôt, que Dieu déploie ses jugements sur leurs personnes, sur leurs enfants, sur leurs biens, sur tout ce qui leur appartient et qu’il les fait servir d’exemple aux autres.

Cela étant, c’est une grande folie d’envier la condition des impies et de les imiter dans leurs dérèglements. Il faut seulement prendre garde qu’on n’abuse pas de cette doctrine en croyant que tous ceux à qui Dieu envoie l’adversité soient des impies, Dieu permettant aussi quelques fois pour des raisons de sagesse et de justice que ceux qu’il aime soient réduits dans un état très fâcheux comme cela arriva autrefois à Job qui était un homme si intègre et si agréable à Dieu.

CHAPITRE XIX

Job répond à Bildad et il se plaint de la dureté de ses amis. Il leur représente le nombre et la rigueur des maux dont Dieu l’accablait et il les conjure d’avoir pitié de lui. Il fait cependant paraître une ferme confiance en Dieu et il parle en des termes très remarquables de l’espérance qu’il avait en lui.

1 Mais Job répondit et dit :

2 Jusqu’à quand affligerez-vous mon âme, et m’accablerez-vous de paroles ?

3 Voici déjà dix fois que vous m’avez fait avoir honte de vous. N’avez-vous point honte de vous raidir contre moi ?

4 Si j’ai manqué, la faute en demeure avec moi.

5 Mais si vous vous élevez contre moi, et si vous me reprochez l’opprobre où je me trouve,

6 sachez maintenant, que c’est Dieu qui m’a renversé, et qui a tendu ses filets autour de moi.

7 Voici, je crie à cause de la violence qu’on me fait, et je ne suis point exaucé ; je crie, et il n’y a point de jugement.

8 Il a fermé mon chemin, tellement que je ne saurais passer ; et il a mis les ténèbres sur mes sentiers.

9 Il m’a dépouillé de ma gloire, il a ôté la couronne de dessus ma tête ;

10 il m’a détruit de tous côtés, et je m’en vais ; il m’a ôté toute espérance, comme à un arbre arraché.

11 Sa colère s’est allumée contre moi, et il m’a tenu pour l’un de ses ennemis.

12 Ses troupes sont venues ensemble ; elles ont dressé leur chemin contre moi, et se sont campées autour de ma tente.

13 Il a écarté de moi mes frères, et ceux qui me connaissaient se sont même éloignés de moi.

14 Mes proches m’ont abandonné, et ceux que je connaissais m’ont oublié.

15 Ceux qui habitaient dans ma maison, et mes servantes, m’ont tenu pour un inconnu, et m’ont réputé comme étranger.

16 J’ai appelé mon serviteur ; mais il ne m’a point répondu, quoique je l’aie prié de ma propre bouche.

17 Mon haleine est devenue étrange à ma femme, et j’ai prié les enfants qui sont sortis de moi.

18 Même les iniques me méprisent, et quand je me lève, ils parlent contre moi.

19 Tous ceux à qui je déclarais mes secrets, m’ont en abomination ; et tous ceux que j’aimais se sont tournés contre moi.

20 Mes os sont attachés à ma peau et à ma chair, et à peine mes lèvres couvrent-elles mes dents.

21 Ayez pitié de moi ! ayez pitié de moi, vous mes amis ! car la main de Dieu m’a frappé.

22 Pourquoi me persécutez-vous comme le Dieu fort, sans pouvoir vous rassasier de ma chair ?

23 Plût à Dieu que maintenant mes discours fussent écrits ; plût à Dieu qu’ils fussent gravés dans un livre,

24 avec un burin de fer et sur du plomb, et qu’ils fussent taillés sur une pierre de roche à perpétuité.

25 Pour moi, je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu’il demeurera le dernier sur la terre.

26 Et qu’encore qu’après que ma peau l’on ait rongé ceci, je verrai Dieu de ma chair.

27 Je le verrai moi-même, et mes yeux le verront, et non un autre. Mes reins se consument dans mon sein.

28 Vous devriez plutôt dire : Pourquoi le persécutons-nous ? Car la racine du fait se trouve en moi.

29 Craignez l’épée ; car l’épée fera la vengeance de l’iniquité, afin que vous sachiez qu’il y a un jugement.

REFLEXIONS

Dans ce chapitre, de même que dans plusieurs autres de ce livre, nous devons remarquer :

I. Que Job paraît s’abandonner à des plaintes trop amères sur la grandeur de ses maux, mais que cependant il donne gloire à Dieu et qu’il s’humilie devant lui.

Cela doit nous servir d’avertissement afin que dans quelque état qu’il plaise à Dieu de nous réduire, nous réprimions tout mouvement d’impatience et que nous soyons soumis à sa volonté.

II. Job se plaignait avec raison que ses amis, qui devaient le consoler, l’accablaient par leurs reproches.

De là nous devons apprendre qu’au lieu d’en user ainsi envers les personnes affligées, il faut en avoir pitié et tâcher d’adoucir leurs maux et de les leur rendre plus supportables.

III. Nous voyons que Job dans ses maux se confiait pourtant toujours en Dieu, comme il le témoignait par ces belles paroles : Je sais que mon rédempteur est vivant et qu’il demeurera le dernier sur la terre et encore qu’après ma peau l’on ait rongé ceci, je verrai Dieu de ma chair, je le verrai moi-même et mes yeux le verront.

Les enfants de Dieu doivent être animés de cette même espérance au milieu des afflictions et de la mort même et ces paroles de Job doivent élever leurs esprits à une ferme attente de la résurrection et de la vie à venir par Jésus-Christ notre Sauveur.

CHAPITRE XX

Tsophar parle pour la seconde fois et montre que si les impies sont heureux dans le monde, leur bonheur ne dure pas longtemps, que Dieu leur ôte leurs richesses et leur force et que sa colère paraît sur eux, sur leurs familles et sur tout ce qui leur appartient.

1 Alors Tsophar Nahamathite prit la parole et dit :

2 C’est pour cela que mes pensées me poussent à répondre, et que je me hâte de le faire.

3 J’ai entendu la correction par laquelle tu veux me faire honte ; mais mon esprit tirera de mon intelligence la réponse pour moi.

4 N’as-tu pas su ce qui a été de tout temps, depuis que Dieu a mis l’homme sur la terre,

5 Que le triomphe des méchants est de peu de durée, et que la joie de l’hypocrite n’est que d’un moment ?

6 Quand son élévation monterait jusqu’aux cieux, et que sa tête atteindrait les nues,

7 néanmoins il périra à jamais comme de l’ordure, et ceux qui l’auront vu ; diront : Où est-il ?

8 Il s’envolera comme un songe, et on ne le trouvera plus ; il s’évanouira comme un rêve de la nuit.

9 L’œil qui l’aura vu ne le verra plus ; le lieu où il était ne le reconnaîtra plus.

10 Ses enfants feront la cour aux pauvres ; et ses mains restitueront ce qu’il aura ravi par violence.

11 Ses os sont pleins des péchés de sa jeunesse ; mais ils reposeront avec lui sur la poudre.

12 Si le mal est doux à sa bouche, et s’il le cache sous sa langue ;

13 s’il le goûte et s’il ne le rejette point, mais qu’il le retienne dans son palais,

14 ce qu’il mangera se changera dans ses entrailles en un fiel d’aspic.

15 Il a englouti les richesses ; mais il les vomira, et le Dieu fort les jettera hors de son ventre.

16 Il sucera un venin d’aspic, et la langue de la vipère le tuera.

17 Il ne verra point couler sur lui les ruisseaux, les fleuves, ni les torrents de miel et de beurre.

18 Il rendra ce qu’il a acquis par son travail, et il ne l’avalera point ; il le rendra à proportion de ce qu’il avait pris ; et il ne s’en réjouira point.

19 Parce qu’il aura foulé et abandonné les pauvres ; qu’il aura pillé la maison au lieu de la bâtir.

20 Certainement, il n’en sentira point de contentement en lui-même, et il ne sauvera rien de ce qu’il aura tant désiré.

21 Il n’aura rien de reste à manger ; c’est pourquoi il ne s’attendra plus à son bien.

22 Après que son abondance aura été comblée, il sera en angoisse ; les mains de tous ceux qui oppriment les autres se jetteront sur lui.

23 S’il y a eu de quoi remplir son ventre, Dieu lui fera sentir l’ardeur de sa colère, et fera pleuvoir sur lui et sur sa chair.

24 S’il s’enfuit de devant les armes de fer, l’arc d’airain le transpercera.

25 Le trait décoché transpercera son corps, et le fer étincelant transpercera son fiel ; toutes sortes de frayeurs viendront sur lui.

26 Les ténèbres les plus épaisses seront cachées dans ses lieux les plus secrets ; un feu qu’on n’aura point soufflé le consumera ; celui qui restera dans sa tente sera malheureux.

27 Les cieux découvriront son iniquité, et la terre s’élèvera contre lui.

28 Le revenu de sa maison sera transporté ; tout s’écoulera au jour de la colère de Dieu.

29 C’est là la portion que Dieu réserve à l’homme méchant, et l’héritage qu’il recevra du Dieu fort à cause de ses paroles.

REFLEXIONS

Voici encore un chapitre qui nous enseigne que quelque heureux et affermis que les impies semblent être, leur joie passe et que leur gloire est d’une durée très courte, que quand ils s’élèveraient jusqu’au ciel, Dieu confondra leur orgueil, que les biens qu’ils acquièrent par l’injustice leur sont ôtés, que leurs enfants tombent dans la pauvreté et dans la misère et qu’eux-mêmes, après avoir été quelque temps dans la joie, sont dans un trouble et dans des angoisses inexprimables.

Cette vérité qui est répétée tant de fois dans ce livre de Job et qui s’accorde si bien avec l’expérience de tous les temps doit être bien méditée.

Puisque c’est là la portion que Dieu réserve aux méchants, craignons d’attirer sur nous les effets de la colère céleste, n’établissons jamais notre bonheur dans la possession des biens et des avantages de ce monde, mais cherchons-le uniquement dans la faveur de Dieu et dans la piété qui seule peut nous faire jouir d’une solide félicité dans cette vie et après la mort.

CHAPITRE XXI

Job répond au second discours de Tsophar, il prie ses amis de l’écouter et pour leur montrer qu’ils se trompaient, il leur représente que l’on voit des impies qui ont perdu toute crainte de Dieu et qui vivent cependant dans l’affluence de toute sorte de bien.  Il avoue qu’enfin Dieu les punit et les retranche et que la vengeance divine poursuit leur postérité, mais il remarque que ce qui arrive après leur mort n’empêche pas qu’ils n’aient été heureux pendant leur vie. Job dit tout cela pour faire voir à ses amis que Dieu ne punit pas toujours les impies en ce monde et qu’ainsi tous ceux que Dieu afflige ne sont pas des impies comme ses amis le prétendaient.

1 Mais Job répondit et dit :

2 Ecoutez attentivement mon discours, et cela me tiendra lieu de vos consolations.

3 Supportez-moi et je parlerai ; et après que j’aurai parlé, moquez-vous-en.

4 Pour moi, est-ce à un homme que mon discours s’adresse ? Si cela était, comment mon esprit ne s’affligerait-il pas ?

5 Regardez-moi, et soyez étonnés, et mettez la main sur la bouche.

6 Quand il me souvient de mon état, je suis éperdu, et un tremblement saisit ma chair.

7 Pourquoi les méchants vivent-ils, et vieillissent-ils ? Et même, pourquoi sont-ils les plus puissants ?

8 Leur postérité s’établit en leur présence avec eux, et leurs rejetons subsistent devant leurs yeux.

9 Leurs maisons jouissent de la paix sans frayeur : la verge de Dieu n’est point sur eux.

10 Leurs vaches conçoivent et conservent leur fruit ; leur jeune vache vêle et n’avorte point.

11 Ils chassent devant eux leurs petits comme un troupeau de brebis, et leurs enfants sautent.

12 Ils élèvent leur voix avec le tambour et la harpe, et ils se réjouissent au son des instruments.

13 Ils passent leurs jours dans la bonne chère, et ils descendent au sépulcre en un moment.

14 Et, cependant, ils ont dit au Dieu fort : Retire-toi de nous ; nous ne voulons point connaître tes voies.

15 Qu’est-ce du Tout-Puissant que nous le servions ? et quel profit nous reviendra-t-il quand nous l’aurons prié ?

16 Mais leur bien n’est pas en leur puissance ; c’est pourquoi je me suis éloigné du conseil des méchants.

17 Quand est-ce que la lampe des méchants sera éteinte, et que l’orage viendra sur eux, et que Dieu leur donnera leur partage en sa colère ?

18 Quand seront-ils comme la paille exposée au vent, et comme de la balle qui est enlevée par un tourbillon ?

19 Dieu réservera les peines de la violence du méchant à ses enfants ; il la lui rendra, et il la sentira.

20 Ils verront leur ruine de leurs propres yeux, et ils boiront de la colère du Tout-Puissant.

21 Mais que lui importera-t-il de ce que deviendra sa maison après lui, quand le nombre de ses mois aura été retranché ?

22 Enseignerait-on la science au Dieu fort qui juge ceux qui sont élevés ?

23 Celui-ci meurt dans la force de sa vigueur, tout à son aise et en repos.

24 Ses vaisseaux sont remplis de lait, et ses os sont comme abreuvés de moëlle.

25 Et l’autre meurt dans l’amertume de son âme, et n’ayant jamais goûté aucun bien.

26 Ils sont couchés ensemble dans la poudre, et les vers les couvrent.

27 Voilà, je connais vos pensées et les desseins que vous formez contre moi.

28 Car vous dites : Où est la maison de cet homme opulent, et où est la tente où les méchants habitaient ?

29 Ne vous êtes-vous jamais enquis des voyageurs ? Et n’avez-vous point reconnu par les preuves qu’ils vous en donnaient,

30 que le méchant est réservé pour le jour de l’orage et pour le jour que les fureurs seront envoyées contre lui ?

31 Et qui est-ce qui oserait lui représenter en face sa conduite ? Qui est-ce qui lui rendrait ce qu’il a fait ?

32 Il sera porté au sépulcre, et il ne bougera pas du tombeau.

33 Les mottes des vallées lui seront douces ; il tirera tous les hommes après lui, et devant lui il y a des gens sans nombre.

34 Comment donc me donnez-vous des consolations vaines, puisqu’il y a toujours de la prévarication dans vos pensées ?

REFLEXIONS

Job continue à nous apprendre comment il faut juger de la prospérité et de l’adversité.

Il nous montre que l’on voit quelquefois des méchants et même des gens qui rejettent toute crainte de Dieu et qui lui font toutes sortes d’outrages jusqu’à lui dire : Retire-toi de nous, nous n’avons que faire de la connaissance de tes voies, que l’on les voit dis-je, quelques fois, passer la vie dans l’abondance et dans les plaisirs et être comblés de biens jusqu’à la mort et que si leur postérité est malheureuse après qu’ils sont morts, ils ne le voient pas.

Il dit que l’on voit, d’un autre côté, des innocents qui traînent une vie misérable et qui meurent comme ils ont vécu.

La conclusion que nous devons tirer de là c’est qu’on ne doit pas juger du bonheur ou du malheur des hommes, ni de la part qu’ils ont à l’amour de Dieu ou à sa haine par ce qu’il leur arrive en ce monde. La prospérité n’est pas toujours une marque de la faveur de Dieu et l’adversité n’est pas toujours non plus une preuve de sa colère. Ainsi il ne faut pas se scandaliser si l’on voit les impies prospérer et les justes souffrir, mais il faut chercher la punition des méchants et la vraie récompense des justes dans l’état intérieur des uns et des autres et surtout dans ce qui leur arrivera après cette vie.

CHAPITRE XXII

Eliphaz parle pour la troisième fois et il réfute ce que Job avait avancé. Il lui dit que Dieu ne reçoit aucune utilité, ni aucun dommage du bien ou du mal que les hommes font. Il lui représente que si Dieu l’affligeait, ce n’était qu’à cause de ses péchés et il l’accuse d’avoir manqué aux devoirs de la justice et de la charité. Il lui remet encore devant les yeux que Dieu avait fait tomber de tout temps ses jugements sur les méchants. Enfin il l’exhorte à se reconnaître coupable et à se repentir et il lui promet que s’il le faisait Dieu lui rendrait sa faveur et le comblerait de toutes sorte de biens.

1 Alors Eliphaz Thémanite prit la parole et dit :

2 L’homme apportera-t-il quelque profit au Dieu fort ? C’est plutôt à soi-même que l’homme sage apporte du profit.

3 Le Tout-Puissant reçoit-il quelque plaisir, si tu es juste ; ou quelque gain, si tu marches dans l’intégrité ?

4 Te reprend-il, et entre-t-il avec toi en jugement par la crainte qu’il ait de toi ?

5 Ta méchanceté n’est-elle pas grande ? Et tes iniquités ne sont-elles pas sans nombre ?

6 Car tu as pris le gage de tes frères sans raison ; tu as ôté le vêtement à ceux qui étaient nus.

7 Tu n’as point donné d’eau à boire à celui qui était fatigué du chemin ; tu as empêché que celui qui avait faim, n’eût du pain.

8 Tu as donné la terre à celui qui était puissant, et celui pour qui tu avais des égards, y habitait.

9 Tu as renvoyé les veuves vides, et les bras des orphelins ont été brisés.

10 C’est pour cela que les pièges sont autour de toi, et qu’une subite frayeur t’épouvante ;

11 et que les ténèbres sont autour de toi, et que tu ne vois point, et que le débordement des eaux te couvre.

12 Dieu n’est-il pas là-haut aux cieux ? Regarde donc la hauteur des étoiles, et combien elles sont élevées.

13 Et tu as dit : Qu’est-ce que le Dieu fort connaît ? Jugera-t-il au travers des nuées obscures ?

14 Les nuées lui sont comme une cachette, et il ne voit rien ; il se promène sur le tour des cieux.

15 N’as-tu pas pris garde au chemin que les injustes ont tenu anciennement ;

16 qui ont été retranchés avant leur temps, et dont un fleuve a emporté le fondement ?

17 Ils disaient au Dieu fort : Retire-toi de nous. Et qu’est-ce que leur avait fait le Tout-Puissant ?

18 Il avait rempli de biens leur maison. Mais loin de moi le conseil des méchants !

19 Les justes le verront, et s’en réjouiront, et l’innocent se moquera d’eux et dira :

20 Certainement, notre état n’a point été détruit ; mais le feu a dévoré tout ce qui leur restait.

21 Attache-toi donc à Dieu, je te prie, et demeure en paix, et il t’en arrivera du bien.

22 Reçois la loi de sa bouche, je te prie, et mets ses paroles en ton cœur.

23 Si tu retournes jusqu’au Tout-Puissant, tu seras rétabli. Eloigne l’iniquité de ta tente ;

24 et tu mettras l’or sur la poussière, et l’or d’Ophir sur les rochers des torrents ;

25 et le Tout-Puissant sera ton or et l’argent qui te donnera des forces.

26 Alors tu trouveras tes délices dans le Tout-Puissant, et tu élèveras ton visage vers Dieu.

27 Tu le fléchiras par tes prières, et il t’exaucera, et tu lui rendras tes vœux.

28 Si tu as quelque dessein, il te réussira, et la lumière resplendira sur tes voies.

29 Quand quelqu’un aura été humilié, et que tu diras qu’il soit élevé, Dieu délivrera celui qui aura tenu les yeux baissés.

30 Il délivrera l’innocent, et il sera délivré par la pureté de tes mains.

REFLEXIONS

Nous devons tirer d’ici ces quatre instructions :

I. La première, que les hommes n’apportent aucun profit à Dieu en faisant le bien et que lorsque nous sommes justes et que nous marchons dans l’intégrité, le Tout-Puissant n’en reçoit aucun profit, ni aucun gain, mais que c’est plutôt à nous-mêmes que le profit en revient. Ces paroles sont très remarquables, elles nous apprennent que si Dieu nous donne ses lois et s’il veut que nous les observions, il ne le fait que pour notre bien et que si nous l’offensons nous ne faisons du mal qu’à nous-mêmes.

II. La seconde instruction est que l’injustice, la violence et le manque de charité sont de grands crimes devant Dieu, mais qu’il y a bien du péché à imputer ces crimes à des innocents, à les condamner lorsqu’ils souffrent et à les accuser de s’être attiré la colère de Dieu par leurs péchés, comme Eliphaz en accusait Job.

III. La troisième, que la conduite de Dieu et les voies de sa providence sont parfaitement justes et que cela a toujours paru dans ce qui est arrivé soit aux bons, soit aux méchants et à leur postérité, mais que cependant l’on voit quelquefois que des impies déclarés jouissent des biens et des plaisirs de cette vie.

Cela montre bien clairement que l’on ne doit pas fonder le jugement que l’on fait des hommes sur la prospérité, ni sur l’adversité.

IV. Les dernières paroles de ce chapitre sont très instructives. Eliphaz nous y enseigne que quand nous retournons sincèrement à Dieu et que nous renonçons aux péchés par lesquels nous avions provoqué sa colère, il se laisse fléchir par nos prières, qu’il nous rend sa grâce, que nous trouvons alors nos délices en lui et que nous pouvons nous promettre les plus doux effets de son amour.

CHAPITRE XXIII

Job répond au troisième discours d’Eliphaz et il dit qu’il était tellement persuadé de son innocence qu’il souhaitait d’être jugé par le Seigneur lui-même. Par là il veut faire voir à ses amis que ce n’étaient pas ses péchés qui lui avaient attirés les maux qu’il souffrait, bien que ces maux fussent extrêmes.

1 Mais Job répondit et dit :

2 Je parlerai encore aujourd’hui en me plaignant ; ma main s’appesantira sur mon gémissement.

3 Que je souhaiterais de savoir où je pourrais trouver Dieu ! J’irais jusqu’à son trône ;

4 j’y déduirais par ordre ma cause devant lui, et je remplirais ma bouche de preuves ;

5 je saurais ce qu’il me répondrait, et j’entendrais ce qu’il me dirait.

6 Contesterait-il avec moi par la grandeur de sa force ? Non ; il proposerait seulement contre moi ses raisons.

7 L’homme droit y raisonnerait avec lui, et je serais absous pour toujours par mon juge.

8 Voilà, si je vais en avant, il n’y est pas ; si je vais en arrière, je ne l’y apercevrai point ;

9 si je vais à gauche, je ne l’y vois point encore ; il se cache à droite, et je ne l’y découvre point ;

10 quand il aura connu la voie que j’ai suivie, et qu’il m’aura éprouvé, je sortirai comme l’or qui a passé par le feu.

11 Mon pied a tenu son chemin, j’ai gardé sa voie, et je ne m’en suis point détourné.

12 Je ne me suis point écarté non plus du commandement qui est sorti de ses lèvres ; j’ai serré les paroles de sa bouche avec plus de soin que ma provision ordinaire.

13 Mais s’il a fait un dessein, qui l’en détournera ? Il fait ce que son âme désire.

14 Car il achèvera ce qu’il a ordonné de moi ; et il fait encore beaucoup d’autres choses semblables.

15 C’est pourquoi je suis éperdu à cause de sa présence : si j’y pense, je suis effrayé à cause de lui.

16 Parce que le Dieu fort a abattu mon cœur, et que le Tout-Puissant m’a étonné ;

17 Parce que je n’ai pas été entièrement retranché à la vue des ténèbres, et qu’il n’a pas éloigné l’obscurité de devant moi.

REFLEXIONS

Pour bien juger de ce que Job dit dans ce chapitre, il faut considérer que c’est ici une réponse au discours d’Eliphaz qui avait accusé Job d’hypocrisie et d’injustice. Job répond à ces accusations qu’il était innocent de ces crimes-là et qu’à cet égard il prenait Dieu à témoin de son intégrité, qu’il consentait d’avoir le Seigneur lui-même pour juge et qu’il ne craindrait pas de paraître devant lui. Mais il ne faut pas entendre ce que Job dit comme s’il eût prétendu être innocent à tous égards devant Dieu.

Nous devons donc apprendre d’ici qu’il est permis aux gens de bien de soutenir leur innocence lorsqu’ils sont accusés injustement et lorsque leur conscience leur rend un bon témoignage, mais que cependant ils doivent toujours reconnaître leurs faiblesses, donner gloire à Dieu lors même qu’il les afflige et confesser qu’il est parfaitement juste et souverainement sage dans tout ce qu’il fait à leur égard.

CHAPITRE XXIV

Le dessein de Job dans ce chapitre est de montrer que Dieu ne punit pas toujours les méchants dans la vie présente et que les afflictions ne sont pas toujours une preuve que Dieu soit courroucé contre ceux qui les endurent. Il décrit pour cet effet les injustices, les extorsions, les violences, les meurtres, les adultères et les autres crimes qui se commettent dans ce monde et il remarque que plusieurs de ceux qui les commettent ne laissent pas de vivre heureux, bien loin de recevoir en cette vie les peines qu’ils méritent, quoi que Dieu voie pourtant tout le mal qu’ils font et qu’il ne veuille pas les laisser impunis.

1 Pourquoi est-ce que les temps ne sont pas cachés par le Tout-Puissant, et que ceux qui le connaissaient ne voient point ses jours ?

2 On remue les bornes, on ravit les troupeaux, et on les fait paître ;

3 on emmène l’âne des orphelins, on prend pour gage le bœuf de la veuve ;

4 on fait écarter les pauvres du chemin ; les affligés du pays sont pareillement contraints de se cacher.

5 Voilà, ce sont comme des ânes sauvages dans le désert ; ils sortent pour faire ce qu’ils ont entrepris ; ils se lèvent le matin pour chercher de la proie ; la campagne leur donne du pain pour leurs enfants.

6 Ils moissonnent par les champs le fourrage qui y est, et ils font que le méchant vendange les vignes.

7 Ils font passer la nuit sans vêtement à l’homme nu, de sorte qu’il n’a pas de quoi se couvrir durant le froid ;

8 en sorte que les pauvres sont percés par les grandes pluies des montagnes, et qu’ils cherchent leur retraite dans les rochers.

9 Ils ravissent le pupille dès la mamelle, et ils prennent des gages sur le pauvre.

10 Ils font aller sans vêtement l’homme nu, et ils enlèvent à ceux qui ont faim ce qu’ils ont glané.

11 Ceux qui pressent l’huile dans leurs maisons, et qui foulent la vendange dans leurs pressoirs, ont soif.

12 Les hommes jettent des sanglots dans la ville ; l’âme de ceux qui sont blessés à mort, crie ; et, cependant, Dieu ne fait rien mal à propos.

13 Ils ont été rebelles à la lumière, ils n’ont point connu les voies de Dieu, et ils ne se sont point tenus à ses sentiers.

14 Le meurtrier se lève au point du jour, et tue le pauvre et l’indigent ; et de nuit il dérobe comme un larron.

15 L’œil de l’adultère épie le soir, disant : Aucun œil ne me verra ; et il se cache le visage.

16 Ils percent dans les ténèbres les maisons qu’ils avaient marquées le jour ; ils ne savent ce que c’est que la lumière.

17 Car la lumière du matin leur est à tous comme l’ombre de la mort ; si quelqu’un les reconnaît, ils ont des frayeurs mortelles.

18 Il est léger et inconstant comme la surface de l’eau ; leur portion dans la terre est maudite ; il néglige la culture des vignes.

19 Comme la sécheresse et la chaleur consument les eaux de neige, ainsi le sépulcre ravit les pécheurs.

20 Il sera oublié comme s’il n’était jamais né ; les vers en feront bonne chère ; on ne s’en souviendra plus, l’inique sera brisé comme un bois.

21 C’est lui qui tourmentait la stérile qui n’enfantait point, et qui ne faisait aucun bien à la veuve ;

22 et qui entraînait les puissants par sa force ; il se levait, mais il n’était pas assuré de sa vie.

23 Dieu lui donne de quoi s’assurer, et il s’appuie sur cela : mais ses yeux sont ouverts sur leur conduite.

24 Ils sont élevés en peu de temps ; après cela ils ne subsistent plus ; ils sont abaissés ; ils sont emportés comme tous les autres ; ils sont coupés comme le haut d’un épi.

25 Si cela n’est pas ainsi, qui est-ce qui me convaincra que je mens, et qui mettra ma parole au néant ?

REFLEXIONS

Job représente dans ce discours l’impiété, les injustices, les cruautés et les divers crimes des méchants et il fait remarquer à ses amis que Dieu ne déploie pas toujours sa vengeance sur eux, que même ils réussissent souvent dans leurs mauvais desseins, mais que Dieu les voit pourtant et qu’à la fin ils sont accablés par son juste jugement.

Cette doctrine doit être bien méditée afin que lorsque nous voyons tant de crimes et de désordres qui règnent dans le monde, même parmi ceux qui font profession de connaître Dieu, nous n’en soyons pas ébranlés, mais que nous nous souvenions que Dieu le voit aussi bien et mieux que nous et que, comme rien n’échappe à sa connaissance, rien ne saurait échapper à son jugement.

Il s’ensuit aussi de là que c’est une pensée très fausse et très dangereuse de croire que des gens sont innocents et agréables à Dieu parce qu’ils sont heureux en ce monde ou qu’ils sont coupables parce qu’ils y sont malheureux.

Ainsi, sans s’arrêter à la prospérité ou à l’adversité, il faut uniquement avoir égard à la piété ou à l’impiété, puisque c’est là ce qui fait le bonheur ou le malheur des hommes et qu’à la fin, Dieu doit leur rendre à tous selon leurs œuvres.

CHAPITRE XXV

Bildad parle à Job pour la troisième fois, il lui représente la puissance et la justice de Dieu aussi bien que le néant de l’homme et il veut montrer par-là que l’homme ne saurait être trouvé juste devant Dieu.

1 Alors Bildad Sçuhite prit la parole et dit :

2 C’est lui qui domine, et qui doit être craint ; il fait régner la paix dans ses hauts lieux.

3 Ses armées se peuvent-elles compter ? Et sur qui sa lumière ne se lève-t-elle pas ?

4 Et comment l’homme mortel se justifierait-il devant le Dieu fort ? Et comment celui qui est né de femme serait-il pur ?

5 La lune même ne luit point en sa présence ; et les étoiles ne sont pas pures devant ses yeux ;

6 combien moins est l’homme qui n’est qu’un ver, et le fils de l’homme qui n’est qu’un vermisseau ?

REFLEXIONS

Ce chapitre nous enseigne que la puissance de Dieu est infinie, qu’il est parfaitement juste et saint et que l’homme, étant une créature faible et corrompue, ne saurait jamais être trouvé pur devant lui.

L’usage qu’il faut faire de cette doctrine, c’est que les hommes doivent se tenir dans une profonde humilité en la présence de Dieu et se soumettre à tout ce qu’il lui plait de faire à leur égard.

CHAPITRE XXVI

Job répond à Bildad qui l’avait exhorté à considérer la puissance de Dieu et sa parfaite sainteté et il lui dit que tous ces discours étaient superflus et qu’il était instruit et convaincu de la grandeur de Dieu et de sa profonde sagesse de laquelle il fait ici une description en parlant des merveilles de la création et du gouvernement du monde.

1 Mais Job répondit et dit :

2 Qui as-tu aidé ? Est-ce celui qui n’avait point de force ? Qui as-tu délivré ? Est-ce celui dont le bras était affaibli ?

3 A qui as-tu donné conseil ? Est-ce à celui qui n’avait point de sagesse ? Est-ce ainsi que tu as fait paraître l’abondance de ta sagesse ?

4 A qui as-tu tenu ces discours ? Et qui est celui dont le souffle soit sorti de toi ?

5 Les choses inanimées sont formées de ce qui est sous les eaux, même ceux qui y habitent.

6 L’abîme est nu devant lui, et le gouffre n’a point de couverture.

7 Il étend le Septentrion sur le vide, et il suspend la terre sur le néant.

8 Il resserre les eaux dans ses nuées, et la nuée n’éclate pas sous elles.

9 Il couvre la face de son trône, et il étend sa nuée par-dessus.

10 Il a compassé des bornes sur les eaux tout autour, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus ni lumière, ni ténèbres.

11 Les colonnes des cieux sont ébranlées, et s’étonnent à sa menace.

12 Il fend la mer par sa puissance, et il frappe par son intelligence les flots quand ils s’élèvent.

13 Il a orné les cieux par son esprit, et sa main a formé le serpent traversant.

14 Ce ne sont là que les bords de ses voies. Que ce que nous en connaissons est peu de chose ! Et qui est-ce qui pourra comprendre le grand éclat de sa puissance ?

REFLEXIONS

Job nous enseigne ici que les œuvres de Dieu sont admirables et en grand nombre, que nous n’en connaissons même qu’une très petite partie et que nous ne comprenons pas toutes les raisons de la conduite de Dieu dans le gouvernement du monde. Dieu étant si grand, si puissant, si juste et si sage, ce n’est pas à nous à trouver à redire à ce qu’il fait, ni à sonder ses voies trop curieusement. Nous devons plutôt être persuadés qu’il conduit toutes choses avec sagesse et avec justice, nous soumettre humblement à tout ce qu’il ordonne et reconnaître au reste sa bonté qui paraît en ce que, s’il y a dans ses desseins et dans ses œuvres quelque chose qui nous soit caché, ce qu’il nous en a révélé et ce que nous en connaissons suffit pour nous apprendre à le craindre et pour nous rendre heureux si nous en faisons un bon usage.

CHAPITRE XXVII

Job continue à parler et il proteste que, quoi qu’il eût soutenu son innocence contre les accusations de ses amis, il ne lui arriverait jamais de rien dire contre la justice et la providence de Dieu. Il montre ensuite que les impies et les hypocrites sont une fin funeste, qu’ils sont punis en diverses manières, que leur félicité n’est que passagère et qu’elle ne les met point à couvert de la colère du Ciel.

1 Job continuant, reprit son discours sentencieux et dit :

2 Je prends à témoin le Dieu vivant, qui a écarté mon droit, et le Tout-Puissant qui a rempli mon âme d’amertume,

3 que pendant tout le temps que j’aurai du souffle et que Dieu me laissera respirer l’air,

4 mes lèvres ne prononceront rien d’injuste, et ma langue ne dira point de chose fausse.

5 Dieu me garde de vous justifier ! Tant que je vivrai, je ne quitterai point mon intégrité.

6 J’ai conservé ma justice, et je ne l’abandonnerai point ; et ma conscience ne me reprochera rien, dans les jours de ma vie.

7 Celui qui me hait sera comme le méchant ; et celui qui se lève contre moi, comme l’injuste.

8 Car quelle sera l’attente de l’hypocrite qui se sera enrichi, lorsque Dieu lui arrachera son âme ?

9 Le Dieu fort entendra-t-il ses cris quand l’affliction viendra sur lui ?

10 Trouvera-t-il son plaisir dans le Tout-Puissant ? Invoquera-t-il Dieu en aucun temps ?

11 Je vous enseignerai les œuvres du Dieu fort, et je ne vous cacherai point ce qui est dans le Tout-Puissant.

12 Voilà, vous avez tous vu ces choses ; et comment vous laissez-vous aller à des discours vains ?

13 C’est ici la portion de l’homme méchant, que le Dieu fort lui réserve, et l’héritage que les violents reçoivent du Tout-Puissant.

14 Si ses enfants sont multipliés, c’est pour l’épée ; et sa postérité ne sera pas même rassasiée de pain.

15 Ceux qu’il aura de reste, étant morts, seront ensevelis ; mais ses veuves ne les pleureront point.

16 Quand il entasserait l’argent comme la poussière, et qu’il mettrait en réserve des habits comme par monceaux ;

17 il les arrangera ; mais le juste s’en revêtira, et l’innocent partagera l’argent.

18 Il se bâtira une maison comme la teigne, et comme celui qui garde les possessions fait sa cabane.

19 Le riche sera couché, et ne sera point recueilli ; il ouvrira ses yeux et il ne trouvera rien.

20 Les frayeurs le surprendront comme des eaux ; le tourbillon l’enlèvera de nuit.

21 Le vent d’orient l’emportera, et il s’en ira ; il l’enlèvera de sa place comme un tourbillon.

22 Le Seigneur se jettera sur lui et ne l’épargnera point ; et étant poursuivi par sa main, il ne cessera de fuir.

23 Chacun frappera des mains contre lui, et le sifflera de la place qu’il occupait.

REFLEXIONS

Ce discours de Job nous apprend :

I. À ne jamais rien dire, ni rien penser qui soit contraire aux sentiments que nous devons avoir de la justice et de la majesté de Dieu.

II. Qu’il nous est permis cependant, lorsque nous sommes accusés injustement, d’alléguer le témoignage de notre conscience pour soutenir notre innocence, moyennant que nous le fassions avec sincérité et avec humilité.

III. Que la fin des méchants et en particulier celle des hypocrites doit être très funeste et qu’ils seront saisis d’un cruel désespoir lorsque Dieu leur redemandera leur âme et qu’il leur rendra selon leurs œuvres.

C’est une vérité bien certaine et bien importante que celle-là et nous devons nous la proposer continuellement.

IV. Job nous a appris que, quoi que les mondains vivent dans l’affluence de toutes sortes de biens, qu’ils amassent beaucoup de richesses et qu’ils les laissent à leurs enfants, elles passent bientôt à d’autres et qu’on voit souvent leur postérité dans la disette et dans la honte.

Ce sont là des effets visibles de la providence de Dieu et de sa justice contre les méchants et ces considérations doivent nous retirer fortement de l’injustice, de l’orgueil et de l’amour des biens du monde.

CHAPITRE XXVIII

Le but de Job dans ce chapitre est de faire voir : I. Que les hommes peuvent connaître les choses de la nature et s’en servir à divers usages. II. Que la véritable sagesse leur est cachée et qu’elle est plus précieuse que tout ce qu’il y a au monde. III. Qu’il n’y a que Dieu en qui elle se trouve et qui la puisse donner et qu’au reste cette sagesse divine, qui est la seule véritable, consiste dans la crainte du Seigneur.

1 Certainement, l’argent a sa veine et l’or a un lieu d’où on le tire pour l’affiner.

2 Le fer se tire de la poussière, et la pierre de mine fondue rend de l’airain.

3 L’homme met une fin aux ténèbres, de sorte qu’il recherche le bout de toutes choses, même les pierres précieuses qui sont dans l’obscurité et dans l’ombre de la mort.

4 Le torrent, se débordant d’un lieu habité, se jette dans les lieux où l’on ne met plus le pied ; mais ses eaux enfin se tarissent et s'écoulent par le travail des hommes.

5 C’est de la terre que sort le pain et au-dessous elle est renversée, et elle est en feu.

6 Ses pierres sont le lieu où se trouvent les saphirs, et la poudre d’or y est.

7 L’oiseau de proie n'en a point connu le chemin, et l’œil du milan ne l’a point découvert.

8 Les jeunes lions n’y ont point marché ; le vieux lion n’a point passé par là.

9 L’homme met la main aux pierres les plus dures, et renverse les montagnes jusqu’aux fondements.

10 Il fait passer les ruisseaux au travers des rochers fendus, et son œil découvre tout ce qui y est de précieux.

11 Il arrête les fleuves, afin d’en empêcher le cours, et il met au jour ce qui y est caché.

12 Mais où trouvera-t-on la sagesse ? Et où est le lieu de l’intelligence ?

13 L’homme ne connaît pas son prix ; et elle ne se trouve pas dans la terre des vivants.

14 L’abîme dit : Elle n’est pas en moi ; et la mer dit : Elle n’est pas avec moi.

15 Elle ne se donne point pour du fin or, et elle ne s’achète point au poids de l’argent.

16 On ne l’échange point avec l’or d’Ophir, ni avec l’onyx précieux, ni avec le saphir.

17 L’or ni le diamant ne sauraient approcher de son prix, et on ne la donnera point en échange pour un vaisseau de fin or.

18 En comparaison d’elle, on ne parlera point de corail ni de béryl ; et le prix de la sagesse surpasse celui des perles.

19 La topaze d’Ethiopie n’approchera point de son prix, et la sagesse ne sera point échangée contre l’or le plus pur.

20 D’où vient donc la sagesse ? Et où est le lieu de l’intelligence ?

21 Elle est couverte aux yeux de tout homme vivant, et cachée aux oiseaux des cieux.

22 Le gouffre et la mort disent : Nous avons entendu parler d’elle de nos oreilles.

23 C’est Dieu qui en sait le chemin et qui sait où elle est.

24 Car c’est lui qui voit jusqu’aux extrémités du monde, et qui regarde sous tous les cieux.

25 Quand il donnait du poids au vent, et qu’il pesait et mesurait les eaux ;

26 quand il prescrivait une loi à la pluie, et qu’il marquait le chemin à l’éclair des tonnerres ;

27 alors il la vit et la découvrit ; il la prépara, et même il la sonda jusqu’au fond.

28 Puis il dit à l’homme : Voilà, la crainte du Seigneur est la vraie sagesse, et l’intelligence consiste à se détourner du mal.

REFLEXIONS

Ce qu’on doit recueillir de ce chapitre :

I. C’est que Dieu a donné aux hommes diverses connaissances dans les choses de la nature et que ces connaissances ont leur utilité pour les différents usages de la vie, en quoi nous avons sujet de reconnaître sa bonté, mais que de toutes les connaissances auxquelles nous pouvons nous appliquer, il n’y en a point de plus nécessaire que celle de la sagesse, que c’est ce qu’il y a de plus précieux au monde, qu’elle est plus estimable que l’or, les richesses et tout ce dont les hommes font le plus de cas et qu’ainsi nous devons la préférer à tout et travailler continuellement à l’acquérir.

II.Job nous enseigne ici le moyen de parvenir à cette sagesse. Il nous dit qu’elle ne vient point de nous-mêmes, mais que c’est Dieu seul qui en est l’auteur et la source et qu’il la donne à tous ceux qui s’adressent à lui et qui la recherchent de tout leur cœur, ce qui doit nous inciter à la lui demander avec ardeur, avec humilité et avec foi.

III. Enfin, Job nous apprend que cette véritable sagesse consiste à craindre Dieu et à éviter ce qui lui déplaît. C’est ce qui est marqué par ces dernières paroles de ce chapitre : La crainte du Seigneur est la sagesse et la vraie intelligence consiste à se détourner du mal.

C’est donc là à quoi nous devons nous attacher par-dessus toutes choses comme c’est aussi le sûr moyen de plaire à Dieu et de parvenir au véritable bonheur.

CHAPITRE XXIX

Job représente : I. L’état de prospérité où il était avant que Dieu l’affligeât. II. Les égards que l’on avait pour lui. III. Et en troisième lieu son intégrité, le soin qu’il avait eu de rendre la justice à chacun et de soulager les misérables. Il faut remarquer que Job disait tout cela, non pour se glorifier, mais pour montrer que ses maux n’étaient pas la peine de ses crimes et qu’il n’avait pas abusé de sa prospérité comme ses amis le soutenait.

1 Et Job continuant, reprit son discours sentencieux, et dit :

2 Oh ! qui me ferait être comme j’étais autrefois, comme j’étais dans ces jours où Dieu me gardait !

3 quand il faisait luire son flambeau sur ma tête, et quand, par sa lumière, je marchais dans les ténèbres !

4 Comme j’étais aux jours de ma jeunesse, dans le conseil secret de Dieu, dans ma tente ;

5 quand le Tout-Puissant était encore avec moi, et mes gens autour de moi ;

6 quand je lavais mes pas dans le beurre, et que des ruisseaux d’huile découlaient pour moi du rocher ;

7 quand je sortais vers la porte, passant par la ville, et que je me faisais préparer un siège dans la place ;

8 les jeunes gens me voyant, se retiraient ; les plus anciens se levaient et se tenaient debout.

9 Les principaux s’abstenaient de parler, et mettaient la main sur leur bouche.

10 Les conducteurs retenaient leur voix, et leur langue était attachée à leur palais.

11 L’oreille qui m’entendait disait que j’étais bien heureux ; et l’œil qui me voyait me rendait témoignage ;

12 car je délivrais l’affligé qui criait, et l’orphelin qui n’avait personne pour le secourir.

13 La bénédiction de celui qui s’en allait périr venait sur moi, et je faisais que le cœur de la veuve chantait de joie.

14 J’étais revêtu de justice ; elle me servait de vêtement, mon équité m’était comme un manteau, et comme une tiare.

15 Je servais d’yeux à l’aveugle, et de pieds au boiteux.

16 J’étais le père des pauvres, et je m’informais diligemment de la cause qui ne m’était point connue.

17 Je brisais les mâchoires de l’injuste, et je lui arrachais la proie d’entre ses dents.

18 Et je disais : Je mourrai dans mon nid, et je multiplierai mes jours comme des grains de sable.

19 Ma racine s’étendait sur les eaux, et la rosée demeurait toute la nuit sur mes branches.

20 Ma gloire se renouvelait en moi, et mon arc se renforçait dans mes mains.

21 On m’écoutait, et on attendait que j’eusse parlé, et on se taisait après avoir entendu mon avis.

22 Ils ne répliquaient rien après ce que je disais, et ma parole tombait sur eux comme les gouttes de la pluie.

23 Ils m’attendaient comme la pluie ; ils ouvraient leur bouche comme après la pluie de l’arrière-saison.

24 Riais-je avec eux, ils ne le croyaient pas ; et ils ne faisaient point déchoir la sérénité de mon visage.

25 Voulais-je aller avec eux, j’étais assis dans la première place ; j’étais entre eux comme un roi dans son armée, et comme celui qui console les affligés.

REFLEXIONS

Il y a deux choses à remarquer dans ce discours de Job :

I. La première, que Job s’était vu dans une grande prospérité et que dans cet état il s’était conduit avec justice et avec charité envers tout le monde, qu’il était le père des pauvres et le protecteur des innocents.

Voilà un exemple qui enseigne à ceux qui ont des biens, du crédit et d’autres avantages à les employer à de bons usages, à être justes et intègres et surtout à faire du bien aux pauvres, à consoler les misérables et à prendre le parti de ceux à qui l’on fait tort.

II. La seconde réflexion est que, pendant que Job jouissait de la prospérité, tout le monde avait des égards pour lui, mais qu’il se vit abandonné dès qu’il fut dans l’adversité.

C’est ce qui arrive tous les jours. On s’attache à ceux qui possèdent des richesses ou des honneurs et qui ont du crédit, mais on les abandonne lorsqu’ils perdent ces avantages et la vertu est d’ordinaire peu estimée lorsqu’elle n’est pas accompagnée de la prospérité.

Cela prouve que les jugements des hommes sont extrêmement vains et injustes et que nous ne devons pas nous y arrêter, ni en faire dépendre notre bonheur.

CHAPITRE XXX

Job se plaint de ce qu’après avoir été estimé de tous ceux qui le connaissaient dans le temps de sa prospérité, il se voyait abandonné de chacun et exposé au mépris et aux insultes de ses amis et même des personnes de la condition la plus basse. Il se plaint encore des maux qui l’accablaient et de ce que Dieu ne le délivrait point quoiqu’il implorât son secours.

1 Mais maintenant, ceux qui sont plus jeunes que moi se moquent de moi ; ceux-là même dont je n’aurais pas daigné mettre les pères avec les chiens de mon troupeau.

2 Et qu’avais-je à faire de la force de leurs mains ? Leur vieillesse était aussi périe.

3 Pressés par la disette et par la faim, ils vivaient à l’écart, fuyant dans les lieux arides, ténébreux, désolés et déserts.

4 Ils coupaient des herbes sauvages auprès des arbrisseaux, et la racine des genièvres pour se chauffer.

5 Ils étaient chassés du milieu des hommes, et on criait après eux comme après un larron.

6 Et ils habitaient dans les creux des torrents, dans les trous de la terre et des rochers.

7 Ils ne faisaient que hurler entre les arbrisseaux, et ils se tapissaient sous les chardons.

8 C’étaient des gens de néant, des gens sans nom et qui étaient abaissés plus bas que la terre.

9 Et maintenant je suis le sujet de leur chanson, et je fais la matière de leur entretien.

10 Ils m’ont en abomination ; ils se tiennent loin de moi ; même, ils ne craignent pas de me cracher au visage.

11 Parce que Dieu a relâché la corde de mon arc et m’a affligé, ils ont secoué le frein de devant moi.

12 Des jeunes gens s’élèvent à ma droite ; ils poussent mes pieds, et apprennent aux autres à m’outrager.

13 Ils ont rompu mon chemin ; ils aident à me rendre misérable, sans qu’ils aient besoin de personne qui les aide.

14 Ils viennent contre moi comme par une brèche large, et ils se sont roulés sur moi dans ma ruine.

15 Tout a été renversé sur moi, et des frayeurs poursuivent mon âme comme un vent, de sorte que ma délivrance est passée comme une nuée.

16 C’est pourquoi, maintenant mon âme se fond en moi ; les jours d’affliction m’ont atteint.

17 Il m’a percé de nuit les os, et mes veines n’ont point de repos.

18 Mon vêtement a changé de couleur, par la grandeur de sa force ; et il me serre tout autour, comme l’ouverture de ma camisole.

19 Il m’a jeté dans la boue, et je ressemble à la poussière et à la cendre.

20 Je crie à toi, et tu ne m’exauces point ; je me tiens debout devant toi, et tu ne me regardes point.

21 Tu deviens cruel contre moi, et tu t’opposes à moi, par la force de ta main.

22 Tu m’enlèves, tu me fais monter sur le vent, comme sur un chariot, et tu fais fondre en moi tout ce qui me fait subsister.

23 Or, je sais bien que tu m’amèneras à la mort, et dans la maison assignée à tous les vivants.

24 Quoi qu’il en soit, il n’étendra point sa main jusqu’au sépulcre. Ceux qu’il aura détruits, crieront-ils à lui ?

25 Ne pleurais-je pas à cause de celui qui passait de mauvais jours ? et mon âme n’était-elle pas affligée à cause du pauvre ?

26 Quand j’attendais le bien, le mal m’est arrivé ; et quand j’espérais la clarté, les ténèbres sont venues.

27 Mes entrailles sont comme dans un feu, sans avoir aucun repos ; les jours d’affliction m’ont prévenu.

28 Je marche tout noirci, mais non point par les rayons du soleil ; je me lève, je crie en pleine assemblée.

29 Je suis devenu le frère des dragons et le compagnon des hiboux.

30 Ma peau est devenue noire sur moi, et mes os sont desséchés par l’ardeur du feu qui me consume.

31 C’est pourquoi ma harpe s’est changée en deuil, et mes instruments de musique en des voix lugubres.

REFLEXIONS

Les plaintes que Job fait ici de ce qu’il était abandonné par ceux qui le respectaient autrefois et même par les personnes les plus viles, découvrent la folie, l’aveuglement et l’injustice des hommes qui au lieu d’estimer uniquement la vertu ne font cas que des richesses et des avantages de cette vie et méprisent ceux qu’ils voient dans la misère et la pauvreté, quand même ce seraient des personnes pieuses et vertueuses.

Cela fait voir qu’on ne peut faire fond, ni sur leur amitié, ni sur leur estime et que ce n’est pas aussi ce que nous devons principalement rechercher.

Nous voyons en second lieu que Job se plaint surtout de ce que Dieu lui-même semblait l’avoir abandonné et de ce qu’il le laissait toujours dans la souffrance.

C’est peu de chose d’être rejeté des hommes, pourvu qu’on ait Dieu favorable, mais on est bien à plaindre lorsque, dans l’affliction, Dieu semble s’éloigner et qu’il ne nous répond point.

Cet état où Job s’est vu réduit doit consoler ceux que Dieu fait passer par de semblables épreuves, cependant ils doivent apprendre de ce qui arriva à Job, à se modérer dans leurs plaintes, à endurer leurs maux avec patience et à attendre avec résignation qu’il plaise à Dieu de les délivrer, ce qu’il ne manquera pas de faire lorsqu’il en sera temps.

CHAPITRE XXXI

Job déclare avoir vécu dans une grande chasteté et évité non seulement les crimes de l’impureté, mais même les regards et les pensées dérèglées.

Il dit qu’il s’était appliqué à rendre exactement la justice et qu’il avait toujours eu pitié des misérables.

Il ajoute qu’il n’avait jamais mis sa confiance dans les richesses, qu’il n’avait point regardé le soleil et la lune, ce qui signifie qu’il s’était éloigné de l’idolâtrie.

Enfin, il proteste qu’il ne s’était point réjoui du mal de ses ennemis, qu’il avait exercé l’hospitalité et qu’il n’avait point cherché à cacher ou à excuser ses fautes.

Le dessein de Job dans tout ce discours est de se défendre contre les accusations de ses amis qui lui disaient que c’étaient ses péchés qui l’avaient réduit dans l’état où il se trouvait.

 J’avais fait accord avec mes yeux ; et comment eussé-je contemplé une vierge !

2 Car quelle aurait été la portion que Dieu m’aurait envoyée d’en haut ? et quel est l’héritage que j’aurais reçu des hauts lieux, de la part du Tout-Puissant ?

3 La perdition n’est-elle pas pour le pervers, et les accidents étranges pour les ouvriers d’iniquité ?

4 N’a-t-il pas vu ma conduite, et n’a-t-il pas compté toutes mes démarches ?

5 Si j’ai marché dans le mensonge, et si mon pied s’est hâté à tromper ;

6 qu’on me pèse dans des balances justes, et Dieu connaîtra mon intégrité.

7 Si mes pas se sont détournés du droit chemin, et si mon cœur a suivi mes yeux, et si quelque souillure s’est attachée à mes mains ;

8 que je sème, et qu’un autre en mange, et que tout ce que j’aurai fait produire soit déraciné.

9 Si mon cœur a été séduit par quelque femme ; si j’ai dressé des embûches à la porte de mon prochain ;

10 que ma femme soit déshonorée, et qu’elle soit prostituée à d’autres.

11 Car c’eût été une méchanceté préméditée, et une de ces iniquités qui sont toutes jugées.

12 Même, ç’aurait été un feu qui m’aurait dévoré jusqu’à me consumer, et qui aurait déraciné tout mon revenu.

13 Si j’ai dédaigné de faire droit à mon serviteur ou à ma servante, quand ils ont contesté avec moi ;

14 car qu’eussé-je fait, quand le Dieu fort se serait levé ? Et quand il m’en aurait demandé compte, que lui aurais-je répondu ?

15 Celui qui m’a fait dans le ventre, n’a-t-il pas fait aussi celui qui me sert ? Ne nous a-t-il pas formés de même dans la matrice ?

16 Si j’ai refusé aux pauvres ce qu’ils ont désiré, si j’ai fait attendre trop longtemps la veuve ;

17 si j’ai mangé seul mes morceaux, et si l’orphelin n’en a point mangé.

18 (car, dès ma jeunesse, il a été élevé avec moi, comme chez son père ; et dès le ventre de ma mère j’ai pris soin de la veuve.)

19 si j’ai vu un homme périr, faute d’être vêtu, et le pauvre, faute de couverture ;

20 si ses reins ne m’ont point béni, et s’il n’a pas été échauffé de la laine de mes agneaux ;

21 si j’ai levé la main contre l’orphelin, quand j’ai vu à la porte que je pouvais l’aider ;

22 que mon épaule tombe et soit séparée de mon côté, et que mon bras soit cassé avec son os.

23 Car j’ai eu frayeur de l’orage du Dieu fort, et de ce que je ne pourrais pas subsister devant sa grandeur.

24 Si j’ai mis mon espérance en l’or, et si j’ai dit au fin or : Tu es ma confiance ;

25 si je me suis réjoui de ce que mes biens étaient multipliés, et de ce que ma main en avait trouvé beaucoup ;

26 si j’ai regardé le soleil lorsqu’il brillait le plus, et la lune lorsqu’elle était claire ;

27 et si mon cœur a été séduit en secret, et si ma main a baisé ma bouche ;

28 (ce qui est aussi une iniquité toute jugée, car j’eusse renié le Dieu fort d’en haut) ;

29 si je me suis réjoui du malheur de celui qui me haïssait ; si j’ai sauté de joie quand il lui est arrivé du mal

30 (je n’ai pas même permis à ma langue de pécher, en demandant sa mort avec imprécation).

31 Les gens de ma maison n’ont point dit : Qui nous donnera de sa chair ? Nous n’en saurions être rassasiés.

32 L’étranger n’a point passé la nuit dehors ; j’ai ouvert ma porte au voyageur.

33 Si j’ai caché mon péché comme Adam, et si j’ai couvert mon iniquité en me flattant

34 (bien que je pusse opprimer une grande multitude, toutefois, le moindre qu’il y eût dans les familles me donnait de la crainte, et je me tenais dans le silence, je ne sortais point de la porte).

35 Plût à Dieu que quelqu’un m’écoutât ! Voilà mon but, c’est que le Tout-Puissant me réponde, et que ma partie adverse produise son écrit.

36 Je le porterais sur mon épaule ; et je l’attacherais comme une couronne.

37 Je lui raconterais tous mes pas, je m’approcherais de lui comme d’un prince.

38 Si la terre que je possède crie contre moi, et si ses sillons pleurent ;

39 si j’ai mangé son fruit sans le payer, si j’ai tourmenté l’esprit de ceux qui la possédaient ;

40 qu’elle me produise des épines au lieu de blé, et de l’ivraie au lieu d’orge. C’est ici la fin des paroles de Job.

REFLEXIONS

Voici un chapitre qu’on doit lire et méditer avec beaucoup d’attention.

L’on y découvre de très beaux sentiments sur les principaux devoirs de la religion et en particulier sur la pureté et la chasteté, sur la justice et la charité, sur la crainte qu’on doit avoir de Dieu, sur l’aumône et la compassion envers les misérables, sur le détachement des biens du monde, sur la piété envers Dieu, sur l’amour des ennemis et sur la confession des péchés.

Si Job avait des sentiments si purs et si relevés et une conduite si pieuse et si sage dans le temps où il vivait, ces devoirs nous regardent beaucoup plus, nous qui sommes chrétiens. Nous devons donc apprendre de ce discours de Job à être chaste et à nous éloigner de toutes sortes d’impuretés, même dans les pensées et dans les regards, à rendre la justice à tout le monde, à avoir pitié des pauvres et des malheureux et à les assister de tout notre pouvoir et à prendre la défense des innocents.

L’exemple de Job nous enseigne encore à ne mettre pas notre confiance aux biens du monde, à ne point nous réjouir du mal qui arrive à ceux qui nous haïssent, à être justes et équitables dans toutes nos affaires et enfin à ne jamais cacher nos fautes, mais à les confesser franchement et à ne nous point flatter dans nos péchés.

Pour nous animer à ces devoirs, considérons ce que Job dit si fortement dans tout ce chapitre, c’est que s’il se fût abandonné aux divers péchés dont il parle, il n’aurait pas échappé à la vengeance céleste et qu’il y a une malédiction particulière qui poursuit les impurs, les injustes, les orgueilleux, ceux qui ont le cœur attaché aux biens de la terre, les impies et les personnes qui manquent de charité.

Enfin, nous devons penser que c’était un grand adoucissement aux maux de Job de pouvoir tenir le langage qu’il tient dans ce chapitre et de s’être acquitté de tous ses devoirs lorsqu’il était dans sa prospérité.

Lorsqu’on a tâché de vivre dans l’innocence, on jouit d’une douce consolation dans l’adversité et quoique la piété qu’on marque dans l’affliction soit agréable à Dieu lorsqu’elle est sincère, il est encore plus beau, plus consolant et plus digne d’une personne qui aime Dieu d’être pieuse, humble, tempérant et charitable lorsqu’il nous fait du bien et que nous jouissons de la santé, de la prospérité et du repos.

CHAPITRE XXXII

Les trois amis de Job ne lui répondant rien, Elihu qui était aussi un de ses amis et qui n’avait point encore parlé le blâme de ce qu’il avait trop soutenu son innocence.Il condamne aussi ses trois amis et leur dit qu’ils n’avaient pu convaincre Job, ni répondre à ses discours. Il ajoute que, bien qu’il fût plus jeune qu’eux, il ne pouvait s’empêcher de dire son sentiment avec sincérité.

1 Alors ces trois hommes-là cessèrent de répondre à Job, parce qu’il croyait être juste.

2 Et Elihu, fils de Barakéel, Buzite, de la famille de Ram, se mit dans une fort grande colère contre Job, parce qu’il se justifiait soi-même devant Dieu.

3 Il se mit aussi en colère contre ses trois amis, parce qu’ils n’avaient pas trouvé de quoi répondre, et que, cependant, ils avaient condamné Job.

4 Et Elihu avait attendu avec Job qu’ils parlassent, parce qu’ils étaient plus âgés que lui.

5 Mais Elihu, voyant qu’il n’y avait aucune réponse dans la bouche de ces trois hommes, se mit fort en colère.

6 C’est pourquoi, Elihu, fils de Barakéel, Buzite, prit la parole et dit : Je suis moins âgé que vous, et vous êtes fort vieux ; aussi j’ai craint, et je n’ai pas osé vous dire mon avis.

7 Je disais : Les jours parleront, et le grand nombre des années fera connaître la sagesse.

8 Mais, quoique l’esprit soit dans les hommes, c’est l’inspiration du Tout-Puissant qui les rend intelligents.

9 Les grands ne sont pas toujours sages, et les vieillards n’entendent pas toujours ce qui est juste.

10 C’est pourquoi je dis : Ecoute-moi, et je dirai aussi mon avis.

11 Voici, j’ai attendu que vous parlassiez ; j’ai prêté l’oreille, jusqu’à ce que vous eussiez bien considéré et que vous eussiez bien examiné les discours de Job.

12 Je vous ai examinés ; mais voilà, il n’y en a pas un d’entre vous qui ait convaincu Job, et qui ait répondu à ce qu’il a dit ;

13 afin que vous ne disiez pas : Nous avons trouvé la sagesse ; c’est le Dieu fort qui le poursuit, et non pas un homme.

14 Ce n’est point contre moi qu’il a adressé ses discours ; aussi je ne lui répondrai pas selon vos paroles.

15 Ils ont été étonnés ; ils n’ont plus rien répondu ; on leur a fait perdre la parole.

16 J’ai donc attendu jusqu’à ce qu’ils ne parlassent plus, mais parce qu’ils sont demeurés muets, et qu’ils n’ont plus répondu,

17 je répondrai aussi ce que j’ai à dire à mon tour ; j’en dirai aussi mon avis.

18 Car je suis gros de parler, et les pensées de mon cœur me pressent.

19 Voici, mon cœur est comme un vaisseau de vin qui n’a point d’air, et il éclaterait comme des vaisseaux neufs.

20 Je parlerai donc, et je me soulagerai ; j’ouvrirai mes lèvres, et je répondrai.

21 Qu’il ne m’arrive pas d’avoir acception de personnes ; je ne me servirai point de mots couverts, en parlant à un homme.

22 Car je ne sais point user de mots couverts ; celui qui m’a fait, ne m’enlèverait-il pas incontinent ?

REFLEXIONS

Il paraît de ce chapitre et des suivants qu’Elihu était un homme sage et fort éclairé. Il jugea mieux de l’état de Job que ses trois amis n’avaient fait. Il blâma Job de s’être laissé aller à des plaintes trop amères et d’avoir parlé de soi-même un peu trop avantageusement. Mais il blâma aussi ses amis de l’avoir condamné comme ils avaient fait et d’avoir dit que les maux qu’il souffrait étaient une preuve que sa piété n’était pas sincère. D’où nous devons apprendre à ne pas juger trop favorablement de nous-mêmes et à ne pas juger les autres non plus avec trop de sévérité. On voit aussi par là le cas qu’il faut faire des discours et des personnes prudentes et éclairées telle qu’était Elihu. Enfin, la protestation qu’Elihu fait qu’il parlerait franchement et sans acception de personnes montre qu’il faut toujours parler avec sincérité, sans que les égards pour les hommes nous en empêchent, surtout lorsque la gloire de Dieu et leur propre bien demandent que nous disions la vérité.

CHAPITRE XXXIII

Elihu reprend Job d’avoir trop soutenu son innocence et d’avoir en quelque façon accusé Dieu de l’affliger à tort. Il lui représente après cela que Dieu donne divers avertissements aux hommes pour les retirer du mal et que c’est dans cette vue qu’il les châtie et qu’il les réduit dans des extrémités semblables à celle où Job était alors, afin que reconnaissant leurs péchés ils soient délivrés de leurs maux. Ce chapitre contient d’excellentes instructions.

1 C’est pourquoi, Job, écoute, je te prie, mon discours, et prête l’oreille à toutes mes paroles.

2 Voici maintenant, j’ouvre ma bouche : ma langue parle dans mon palais ;

3 mes paroles répondront à la droiture de mon cœur, et mes lèvres prononceront la pure vérité.

4 L’Esprit du Dieu fort m’a fait, et le souffle du Tout-Puissant m’a donné la vie.

5 Si tu peux, réponds-moi ; résiste-moi en face, et défends-toi.

6 Voici, je suis formé de Dieu aussi bien que toi ; je suis aussi tiré de la boue.

7 Voici, ma frayeur ne te troublera point, et ma main ne s’appesantira point sur toi.

8 Quoi qu’il en soit, tu as dit devant moi, et j’ai entendu la voix de tes discours :

9 Je suis pur, sans péché ; je suis net, et il n’y a point d’iniquité en moi ;

10 voici, Dieu cherche des sujets de me condamner ; il me tient pour son ennemi ;

11 il m’a mis les pieds dans les ceps ; il épie tous mes chemins.

12 Je te réponds qu’en cela tu n’as point été juste ; car Dieu sera toujours plus grand que l’homme mortel.

13 Pourquoi donc as-tu plaidé contre lui ? Car il ne rend aucun compte de ce qu’il fait.

14 Le Dieu fort parle une première fois ; et lorsqu’on n’y prend pas garde, il parle une seconde fois,

15 en songe, par des visions de nuit, quand un profond sommeil tombe sur les hommes, et lorsqu’ils dorment dans le lit.

16 Alors il ouvre l’oreille aux hommes, et il scelle son châtiment sur eux ;

17 afin qu’il détourne l’homme de ce qu’il prétend faire, et qu’il empêche sa fierté de paraître.

18 Ainsi, il préserve son âme de la fosse, et il sauve sa vie de l’épée.

19 L’homme est aussi châtié par les douleurs qu’il souffre sur son lit, et dans la force de ses os.

20 Alors sa vie lui fait avoir en horreur le pain, et son âme a en aversion la viande qu’elle désirait.

21 Sa chair est tellement consumée qu’on ne la voit plus ; et ses os sont tellement brisés qu’on n’y connaît plus rien.

22 Son âme approche de la fosse, et sa vie des choses qui font mourir.

23 Que s’il y a pour cet homme-là quelque messager qui parle pour lui, un d’entre mille, et qu’il fasse connaître à l’homme ce qu’il doit faire ;

24 alors, Dieu aura pitié de lui, et dira : Garantis-le afin qu’il ne descende pas dans la fosse ; j’ai trouvé lieu de lui faire grâce.

25 Sa chair deviendra plus délicate qu’elle n’était dans son enfance ; et il rajeunira.

26 Il fléchira Dieu par ses prières, et Dieu s’apaisera envers lui ; il lui fera voir sa face avec joie, et il lui rendra sa justice.

27 Il regardera les autres hommes, et il dira : J’avais péché, j’avais violé la justice, et cela ne m’a point profité.

28 Mais Dieu a garanti mon âme, afin qu’elle ne passât point dans la fosse ; et ma vie voit la lumière.

29 Voilà, le Dieu fort fait toutes ces choses deux et trois fois envers l’homme ;

30 pour retirer de la fosse son âme, afin qu’elle soit éclairée de la lumière des vivants.

31 Sois attentif, Job, écoute-moi ; tais-toi, et je parlerai.

32 Et si tu as de quoi parler, réponds-moi, parle ; car je désire de te justifier.

33 Sinon, écoute-moi, tais-toi, et je t’enseignerai la sagesse.

REFLEXIONS

Le dessein d’Elihu dans ce chapitre est de montrer à Job qu’il avait eu tort de se plaindre comme il avait fait et de tant soutenir son innocence.

Ainsi l’instruction générale que nous avons ici c’est de ne point nous justifier nous-mêmes et de ne pas murmurer quand Dieu nous afflige.

Après cela, Elihu représente d’une manière très belle et très forte comment le Seigneur se conduit envers les hommes et les divers moyens qu’il emploie pour les retirer de leurs péchés. Il dit que Dieu parle aux hommes une première et une seconde fois, qu’il les avertit avec une grande patience, que c’est surtout ce qu’il fait en leur envoyant des maladies et des douleurs qui les conduisent jusqu’au bord du tombeau, que le dessein de Dieu en tout cela est de les détourner du mal qu’ils veulent faire et que si dans cet état d’affliction l’homme a recours au Seigneur et s’il est aidé par les conseils et par les prières de quelque homme de bien, Dieu aura pitié de lui, qu’il le rétablira et qu’il lui donnera sujet de louer sa puissance et sa bonté.

Ce sont là des instructions très importantes et tout à fait salutaires et soit que nous soyons dans le repos et dans la santé, soit que nous nous rencontrions dans l’affliction, dans la maladie et dans la souffrance, nous devons les rappeler souvent dans notre esprit, afin d’apprendre à faire un bon usage des divers avertissements que Dieu nous donne et de tout ce qu’il fait pour notre salut.

CHAPITRE XXXIV

Elihu continue à reprendre Job d’avoir trop parlé de sa propre justice et à blâmer l’excès qu’il y avait eu dans ses plaintes. Il dit que Dieu est parfaitement juste dans tout ce qu’il fait et que ce n’est point à nous à y trouver à redire, qu’il examine toutes nos actions, qu’il abaisse et détruits les plus puissants, qu’il délivre les misérables et qu’il punit les hommes et même les peuples entiers avec un pouvoir auquel rien ne saurait résister et en même temps avec une parfaite justice. Il exhorte Job à bien considérer toutes ces choses et à recourir avec humilité à la miséricorde de Dieu.

1 Elihu reprit encore la parole et dit :

2 Vous, sages, écoutez mes discours ; et vous qui avez de l’intelligence, prêtez-moi l’oreille.

3 Car l’oreille juge des discours, comme le palais goûte ce qu’on doit manger.

4 Choisissons-nous ce qui est juste et voyons entre nous ce qui est bon.

5 Car Job a dit : Je suis juste, et le Dieu fort m’a ôté mon droit.

6 Je suis regardé comme menteur lorsque je soutiens mon droit ; la flèche qui me perce est douloureuse, sans que j’aie péché.

7 Qui est l’homme tel que Job, qui boit la moquerie comme de l’eau ;

8 et qui marche dans la compagnie des ouvriers d’iniquité, et même, qui marche avec les méchants ?

9 Car il a dit : L’homme ne gagne rien à se plaire avec Dieu.

10 C’est pourquoi, vous qui avez de l’intelligence, écoutez-moi. Il n’est pas possible qu’il y ait de la méchanceté dans le Dieu fort, et de la perversité dans le Tout-Puissant.

11 Car il rendra à l’homme selon son œuvre, et il fera trouver à chacun selon son train.

12 Certainement, le Dieu fort ne déclare point méchant l’homme de bien, et le Tout-Puissant ne renverse point le droit.

13 Qui est-ce qui lui a commis le soin de la terre ? Ou, qui est-ce qui a posé la terre habitable tout entière ?

14 S’il prenait garde à l’homme de près, et qu’il retirât à lui son esprit et son souffle,

15 toute chair expirerait en même temps, et l’homme retournerait dans la poudre.

16 Si donc tu as de l’intelligence, écoute ceci, prête l’oreille à ce que tu entendras de moi.

17 Et quoi ! celui qui haïrait la justice, punirait-il ? Et condamneras-tu comme méchant celui qui est souverainement juste ?

18 Dira-t-on à un roi, scélérat ; et méchant, aux principaux des peuples ?

19 Combien moins le dira-t-on à celui qui n’a point d’égards à la personne des grands, et qui ne reconnaît point ceux qui sont riches, pour les préférer aux pauvres ? Car ils sont tous l’ouvrage de ses mains.

20 Ils mourront en un moment, même au milieu de la nuit ; tout un peuple sera ébranlé et passera, et le puissant sera emporté, même sans effort.

21 Car les yeux de Dieu sont sur les voies de chacun, et il regarde tous leurs pas.

22 Il n’y a ni ténèbres, ni ombres de la mort, où se puissent cacher les ouvriers d’iniquité.

23 Car il n’impose point à l’homme une trop grande charge, en sorte qu’il ait sujet de venir plaider avec le Dieu fort.

24 Il brise les puissants d’une manière incompréhensible, et il en établit d’autres en leur place.

25 Parce qu’il connaît leurs œuvres, il les renverse la nuit, et ils sont brisés.

26 Il les frappe comme des impies, à la vue de tout le monde.

27 Parce qu’ils se sont ainsi détournés de lui, et qu’ils n’ont considéré aucune de ses voies ;

28 ils ont fait monter le cri du pauvre jusqu’à lui, en sorte qu’il a entendu les clameurs des affligés.

29 Or, s’il donne du repos, qui est-ce qui le troublera ? S’il cache sa face, qui le regardera ? Soit qu’il s’agisse de toute une nation, soit qu’il s’agisse d’un seul homme ;

30 afin que l’homme hypocrite ne règne plus, à cause des péchés du peuple.

31 Certainement, voici ce qui devait être dit au Dieu fort : J’ai souffert, je n’empirerai point.

32 S’il y a quelque chose en moi de plus que ce que je vois, fais-le-moi connaître ; si j’ai commis quelque perversité, je ne le ferai plus.

33 Dieu te le rendra-t-il selon ton opinion, parce que tu l’as récusé ? C’est à toi à choisir, et non pas à moi. Si tu sais quelque chose, dis-le.

34 Les gens de sens parleront comme moi, et l’homme sage sera de mon sentiment.

35 Job ne parle point avec connaissance, et ses paroles ne sont point avec intelligence.

36 Ha ! mon père, que Job soit éprouvé jusqu’à la fin, pour avoir répondu comme les impies ont accoutumé de répondre.

37 Car autrement, il ajoutera péché sur péché ; il s’applaudira parmi nous, et il parlera de plus en plus contre le Dieu fort.

REFLEXIONS

Voici ce que l’on doit recueillir de ce discours d’Elihu :

I. Qu’il ne nous est jamais permis de nous plaindre du Seigneur lorsqu’il nous châtie et que nous ne devons pas prétendre être innocents devant lui.

II. Que Dieu fait tout sagement et justement, que les hommes n’étant que le néant, ce n’est pas à eux à lui demander raison de sa conduite, qu’il examine et qu’il connait les actions de chacun, que c’est lui qui est le juge du monde et qui rendra aux hommes selon leurs œuvres et que, soit qu’il fasse du bien, soit qu’il punisse, personne ne saurait l’en empêcher. Ces instructions sont renfermées dans ces paroles d’Elihu : Il n’est pas possible qu’il y ait de la méchanceté dans le Dieu fort, ni de la perversité dans le Tout-puissant, car il rendra à chacun selon son œuvre. Les yeux de Dieu sont sur les voies des hommes et il regarde tous leurs pas. Il n’y a ni ténèbres, ni ombre de mort où se puissent cacher les ouvriers d’iniquité. S’il donne du repos, ou s’il cache sa face, qui est-ce qui l’empêchera, soit qu’il s’agisse de toute une nation, soit qu’il s’agisse d’un seul homme.

Enfin, Elihu marque dans ce chapitre que ce que nous avons à faire lorsque Dieu nous châtie, c’est de nous humilier, de le prier qu’il nous donne à connaître nos péchés et de lui promettre de ne plus retomber dans les fautes par lesquelles il nous serait arrivé de l’offenser.

CHAPITRE XXXV

Elihu continue à faire voir à Job qu’il ne devait pas se justifier devant Dieu et pour cet effet il lui présente la grandeur de Dieu et sa puissance. Il lui montre que Dieu ne reçoit aucun profit, ni aucun préjudice du bien ou du mal que les hommes font. Et par là il veut l’engager à reconnaître la bonté et la justice de Dieu, à s’humilier en sa présence et à profiter de son support.

1 Elihu reprit encore son discours, et dit :

2 As-tu pensé avoir raison de dire : Ma justice est au-dessus de celle du Dieu fort ?

3 Que si tu demandes de quoi elle te profitera, disant : Que m’en reviendra-t-il, non plus que de mon péché ?

4 Je te répondrai en propres termes, et à tes amis avec toi :

5 Regarde les cieux et les considère ; vois les nuées, elles sont plus hautes que toi.

6 Si tu pèches, que feras-tu contre lui ? Et quand tes péchés se multiplieront, que lui auras-tu fait ?

7 Si tu es juste, que lui auras-tu donné ? ou, qu’aura-t-il reçu de ta main ?

8 C’est à un homme tel que toi, que ta méchanceté peut nuire, et c’est au fils de l’homme que ta justice peut être utile.

9 On fait crier les opprimés par la grandeur des maux qu’on leur fait ; ils crient à cause de la violence des grands.

10 Mais personne ne dit : Où est Dieu qui m’a fait, qui donne de quoi chanter des cantiques pendant la nuit,

11 qui nous a donné de l’intelligence plus qu’aux bêtes de la terre, et qu’aux oiseaux des cieux ?

12 Ils crient donc à cause de la fierté des méchants, mais Dieu ne les exauce point.

13 Quoi qu’il en soit, le Dieu fort n’écoute point le mensonge, et le Tout-Puissant n'y a point d’égard.

14 Quoique tu aies dit que tu ne le vois pas, fais ce qui est juste devant lui et attends-le.

15 Mais maintenant, ce n’est rien ce que sa colère exécute, et il n’est point entré fort avant en connaissance de toutes les choses que tu as faites.

16 Job ouvre donc en vain sa bouche, et il entasse paroles sur paroles sans connaissance.

REFLEXIONS

Elihu nous enseigne dans ce chapitre une doctrine très importante. C’est que quand nous sommes justes, nous pouvons faire du bien aux autres hommes et que quand nous péchons, nous pouvons leur nuire, mais il ne revient à Dieu aucune utilité du bien que nous faisons, ni aucun dommage des péchés que nous commettons.

I. Cela nous montre que Dieu, étant parfaitement heureux et n’ayant pas besoin des hommes, il ne leur commande et ne leur défend rien que pour leur avantage. Cette doctrine nous engage premièrement à nous attacher avec plaisir à tout ce que Dieu nous commande, puisqu’en le faisant nous travaillons à notre propre bonheur et à éviter de l’offenser par nos péchés, puisque par là nous nous rendrions nous-mêmes très misérables.

II. Il s’ensuit de là que Dieu n’a en vue que notre propre bien dans tout ce qu’il fait envers nous et en particulier lorsqu’il nous afflige, que s’il nous punit, il le fait non seulement avec justice, mais même avec bonté et qu’ainsi bien loin de l’accuser de nous traiter avec trop de rigueur, nous devons acquiescer avec plaisir en toutes choses à sa sage et bonne providence.

CHAPITRE XXXVI

C’est ici la suite du discours d’Elihu, dans lequel il montre que Dieu en use avec justice envers les bons et envers les méchants, qu’il afflige ceux qu’il l’aime pour les éprouver, mais qu’il fait enfin périr les impies et les hypocrites. Il exhorte Job à considérer ces choses et à adorer avec humilité la justice et la grandeur de Dieu qui paraissent dans les œuvres de la nature aussi bien que dans la conduite qu’il tient envers les hommes.

1 Puis Elihu continua, et dit :

2 Attends un peu, et je montrerai qu’il y a encore d’autres raisons pour la cause de Dieu.

3 Je prendrai de loin ma science, et je rendrai la justice à celui qui m’a fait.

4 Car, certainement, mes discours ne sont point des mensonges, et celui qui est auprès de toi, est intègre dans ses sentiments.

5 Voilà, Dieu est puissant, et il ne rejette point celui qui a de la force de cœur.

6 Il ne laisse point vivre le méchant et il fait justice aux affligés.

7 Il ne retire point ses yeux de dessus les justes ; même, il les place sur le trône avec les rois, et les y fait asseoir pour toujours, et ils sont élevés.

8 Que s’ils sont liés de chaînes, et s’ils sont prisonniers dans les liens de l’affliction,

9 il leur fait connaître ce qu’ils ont fait, et que leurs péchés ont prévalu.

10 Alors il leur ouvre l’oreille pour les rendre sages, et leur dit de se détourner de leur iniquité.

11 S’ils l’écoutent, et qu’ils le servent, ils achèveront leurs jours heureusement, et leurs années dans la joie.

12 Mais s’ils n’écoutent point, ils passeront par l’épée, et ils expireront pour n’avoir pas été sages.

13 Et pour ce qui est de ceux qui sont hypocrites en leur cœur, ils attirent sur eux la colère, et ils ne crient point à lui lorsqu’il les a liés.

14 Ils mourront dans leur vigueur, et leur vie finira parmi ceux qui se prostituent à l’infamie.

15 Mais il retire l’affligé de son affliction, et il lui ouvre l’oreille lorsqu’il est dans l’oppression.

16 C’est ainsi qu’il t’aurait tiré hors de l’angoisse où tu es, pour te mettre au large ; il n’y eût rien eu qui t’eût serré, et ta table eût été dressée pleine de viandes grasses.

17 Mais tu as accompli le jugement du méchant ; cependant, la justice et le droit se maintiendront.

18 Certainement, la colère de Dieu est près ; prends garde qu’il ne te pousse dans l’affliction ; car il n’y aura point de rançon si grande qu’elle puisse te faire échapper.

19 Ferait-il quelque cas de tes richesses ? Il n’estimera ni ton or, ni toute ta grande puissance.

20 Ne t’inquiète point la nuit sur ce que les peuples s'évanouissent de leur place ;

21 Mais garde-toi de retourner à l’iniquité ; car tu en as fait le choix, pour t’être tant affligé.

22 Voici, le Dieu fort élève les hommes par sa force ; et qui pourrait enseigner comme lui ?

23 Qui est-ce qui lui a prescrit le chemin qu’il devait tenir ; et qui lui a dit : Tu as fait une injustice ?

24 Souviens-toi de célébrer ses ouvrages que les hommes voient.

25 Tout homme les voit, chacun les aperçoit de loin.

26 Voici, le Dieu fort est grand, et nous ne le connaissons point, et pour ce qui est du nombre de ses années, on ne le peut sonder.

27 Il fait dégoutter peu à peu les gouttes des eaux, qui répandent la pluie de sa vapeur ;

28 et les nuées la font distiller et dégoutter sur les hommes en abondance.

29 Et qui pourrait comprendre les éclats de la nuée, et le son éclatant de son tabernacle ?

30 Voilà, il étend sa lumière sur elle, et il couvre les abîmes et le fond de la mer.

31 C’est par ces choses-là qu’il juge les peuples, et qu’il donne les vivres en abondance.

32 Il tient caché dans les deux paumes de ses mains le feu étincelant, et il lui ordonne ce qu’il doit faire à ce qui vient à sa rencontre.

33 Son tonnerre emporte les nouvelles, et annonce sa colère contre ce qui est élevé.

REFLEXIONS

Ce chapitre nous met devant les yeux la conduite du Seigneur envers les hommes et voici ce qu’Elihu nous enseigne sur ce sujet.

C’est que le Dieu Tout-Puissant ne rejette personne et qu’il ne retire jamais ses yeux de dessus le juste, mais que lorsque les péchés des hommes se multiplient, il les afflige afin de les rendre sage et de les détourner de leurs iniquités, que s’ils écoutent alors sa voix et qu’ils le servent, il les délivre et leur fait achever leurs années dans la paix, mais que pour ce qui est des hypocrites et de ceux qui endurcissent leur cœur à sa voix et à ses châtiments, il les livre à sa colère.

Comme Elihu exhortait Job à considérer cette conduite du Seigneur, à se convertir à lui et à reconnaître sa grandeur, sa sagesse et sa justice, nous devons aussi méditer ces importantes vérités, faire notre profit des avertissements du Seigneur, de ses châtiments et de tout ce que sa providence fait à notre égard, craindre ses jugements et révérer sa majesté et sa puissance infinie qui paraissent avec tant d’éclat dans toutes ses œuvres.

CHAPITRE XXXVII

Elihu représente la puissance de Dieu et il la fait remarquer dans le tonnerre, dans la pluie, dans la neige et dans les autres œuvres de la nature. Il dit que Dieu se sert de toute ces choses pour faire du bien aux hommes ou pour les châtier. Et il exhorte Job à faire attention à ces merveilles, à sentir son ignorance et sa faiblesse et à adorer avec respect les jugements du Seigneur.

 Mon cœur même est à cause de cela en émotion, et il sort comme de lui-même.

2 Ecoutez attentivement et en tremblant le bruit que Dieu fait, et le tonnerre qui sort de sa bouche.

3 Il l’envoie sur tous les cieux, et sa lumière étincelante va jusqu’aux extrémités de la terre.

4 Un grand bruit s’élève après lui, il tonne de sa voix magnifique ; et il ne tarde point dès qu’on a entendu sa voix.

5 Le Dieu fort tonne terriblement par sa voix, il fait des choses grandes et que nous ne saurions comprendre.

6 Car il dit à la neige : Sois sur la terre. Il le dit aussi à l’ondée de la pluie, et même aux fortes pluies.

7 Alors il renferme tous les hommes par son pouvoir, afin que tous les hommes reconnaissent ses œuvres.

8 Les bêtes se retirent dans les tanières, et elles demeurent dans leurs repaires.

9 Le tourbillon sort des lieux cachés, et le froid, des vents qui dispersent.

10 Le Dieu fort, par son souffle, donne la glace, et les eaux qui se répandaient au large, sont resserrées.

11 Il épuise aussi la nuée à force d’arroser, et il écarte les nuées par sa lumière ;

12 et elles font plusieurs tours selon ses desseins, pour faire tout ce qu’il leur a commandé sur la face de la terre habitable.

13 Il les fait rencontrer, soit pour s’en servir de verge, soit pour rendre la terre fertile, soit pour exercer sa bonté.

14 Prête l’oreille à ceci, ô Job ! arrête-toi, considère les merveilles du Dieu fort.

15 Sais-tu comment Dieu les arrange, et comment il fait briller la lumière de sa nuée ?

16 Comprends-tu le balancement des nuées, et les merveilles de celui qui est parfait en science ?

17 Comment tes vêtements sont chauds, quand il donne du relâche à la terre par le moyen du midi ?

18 As-tu étendu avec lui les cieux, qui sont fermes comme un miroir de fonte ?

19 Apprends-nous ce que nous lui dirons : car nous ne saurions rien dire par ordre, à cause de nos ténèbres.

20 Lui rapporterait-on ce que j’en dirais ? Si quelqu’un veut en parler, il en sera comme englouti.

21 Et maintenant, on ne peut regarder la lumière du soleil quand elle resplendit dans les cieux, après que le vent y a passé et qu’il les a nettoyés,

22 et que le temps, qui reluit comme l’or, est venu du septentrion. Il y a en Dieu une majesté redoutable.

23 Il est le Tout-Puissant ; on ne saurait le comprendre ; il est grand en puissance, en jugement, et en abondance de justice ; il n’opprime personne.

24 C’est pourquoi les hommes doivent le craindre ; mais il ne les voit pas tous sages dans leur cœur.

REFLEXIONS

Ce discours d’Elihu nous oblige à faire de sérieuses réflexions sur les merveilles qui paraissent dans la nature et en particulier dans le tonnerre, dans la neige, dans les vents, dans la pluie, dans les nuées et dans les saisons. On découvre en toutes ces choses premièrement l’infinie puissance de Dieu et après cela sa sagesse, sa justice et sa bonté, puisque toutes ces créatures différentes et les divers effets qu’elles produisent dans le monde sont des moyens dont Dieu se sert tantôt pour faire du bien aux hommes et tantôt pour servir de verge et pour les châtier.

Ainsi ce chapitre nous engage à ces deux devoirs :

L’un, de considérer avec attention la manière admirable dont le monde est gouverné.

Et l’autre, de faire un bon usage, soit des grâces que Dieu nous accorde, soit des châtiments qu’il nous dispense et de répondre au but qu’il se propose qui est de nous apprendre à le connaître et à le craindre.

C’est ici que finissent les discours des amis de Job.

L’on peut voir par les entretiens que Job et ses amis eurent ensemble et qui sont rapportés dans ce livre que non seulement la connaissance de Dieu et de la religion n’était pas éteinte dans les pays où ils habitaient, mais qu’il y avait dans ces lieux-là des personnes très éclairées et d’une grande piété. Ce qui montre que l’on ne doit pas croire qu’il n’y eût alors que le seul peuple d’Israël qui connût le vrai Dieu et que tous ceux qui n’étaient pas compris dans l’alliance que Dieu avait traitée avec ce peuple fussent engagés dans l’ignorance, dans l’idolâtrie et dans l’impiété et exclus de la grâce de Dieu et du salut.

CHAPITRE XXXVIII

Après que Job et ses amis ont parlé, Dieu parle à Job dans le reste de ce livre. Il lui fait voir qu’il ne lui appartenait, ni à aucun homme, de sonder curieusement les raisons de sa conduite. Il lui met pour cet effet devant les yeux les merveilles de ses ouvrages, la manière dont la terre a été formée et ce que l’on voit d’admirable dans la mer, dans la lumière, dans la neige, dans la grêle, dans le tonnerre, dans la pluie, dans les orages, dans les astres et dans l’ordre des saisons et il lui fait remarquer que l’homme n’est pas capable de comprendre la puissance et la sagesse avec laquelle Dieu fait toutes ces choses.

1 Alors l’Éternel répondit d’un tourbillon à Job, et dit :

2 Qui est celui qui obscurcit mon conseil par des paroles sans science ?

3 Ceins maintenant tes reins comme un vaillant homme, et je t’interrogerai, et tu m’instruiras.

4 Où étais-tu quand je fondais la terre ? Si tu as de l’intelligence, dis-le-moi.

5 Qui en a réglé les mesures, si tu le sais ? ou qui a appliqué le niveau sur elle ?

6 Sur quoi ses bases sont-elles affermies, ou qui est celui qui a posé la pierre angulaire pour la soutenir,

7 lorsque les étoiles du matin poussaient ensemble des cris de joie, et que les enfants de Dieu chantaient en triomphe ?

8 Qui est-ce qui renferma la mer dans ses bords, quand elle fut tirée comme de la matrice, et qu’elle en sortit ?

9 Quand je lui donnai la nuée pour couverture, et l’obscurité pour ses langes,

10 et que j’établis mon ordonnance, et que je lui mis des barrières et des portes,

11 Et que je lui dis : Tu viendras jusque-là, et tu ne passeras point plus avant, et l’élévation de tes ondes s’arrêtera ici ?

12 As-tu, depuis que tu es au monde, commandé au point du jour ? Et as-tu marqué à l’aube du jour sa place,

13 afin qu’elle se répande subitement jusqu’aux extrémités de la terre, et que les méchants soient écartés par elle,

14 et que la terre prenne une nouvelle forme, comme l’argile moulée en figure, et que tout y paraisse comme avec des vêtements nouveaux ;

15 et que la lumière soit ôtée aux méchants, et que le bras hautain soit rompu ?

16 Es-tu entré jusqu’aux gouffres de la mer, et t’es-tu promené dans le fond des abîmes ?

17 Les portes de la mort se sont-elles découvertes à toi ? As-tu vu les portes de l’ombre de la mort ?

18 As-tu compris toute l’étendue de la terre ? Si tu l’as toute connue, montre-le.

19 En quel endroit se tient la lumière, et où est le lieu des ténèbres ;

20 pour les conduire chacune en son lieu, si tu sais la route de leur maison ?

21 Tu le sais sans doute ; car alors tu étais né, et le nombre de tes jours est grand.

22 Es-tu entré dans la connaissance des trésors de la neige ? As-tu vu les trésors de la grêle,

23 que je réserve pour le temps d’affliction, et pour le jour du choc et du combat ?

24 Par quel chemin se partage la lumière, et le vent d’orient se répand-il sur la terre ?

25 Qui est-ce qui a distribué les canaux des inondations, et le chemin à l’éclair des tonnerres,

26 pour faire pleuvoir sur une terre où il n’y a personne, et sur un désert où aucun homme ne demeure ;

27 pour inonder une solitude et un désert, et pour faire produire de l’herbe ?

28 La pluie a-t-elle un père, ou qui est-ce qui produit les gouttes de la rosée ?

29 Qui est-ce qui fait naître la glace, et qui produit la gelée qui tombe du ciel,

30 quand les eaux disparaissent et se durcissent comme une pierre, et que la surface de l’abîme se prend ?

31 Pourrais-tu retenir les douces influences des Pléiades, ou modérer la vertu resserrante de l’Orion ?

32 Pourrais-tu faire sortir les signes du midi en leur temps, et conduire l’Ourse avec sa queue ?

33 Sais-tu l’ordre des cieux, et disposeras-tu de leur gouvernement sur la terre ?

34 Crieras-tu à la nuée à haute voix, afin qu’une abondance d’eau te couvre ?

35 Enverras-tu les foudres, en sorte qu’elles marchent, et te disent : Nous voici ?

36 Qui est-ce qui a mis la sagesse dans le cœur, ou qui a donné à l’âme l’intelligence ?

37 Qui est-ce qui pourra réciter ce qui se passe dans le ciel avec sagesse, et arrêter les influences des cieux,

38 Lorsque la poussière est détrempée par les eaux qui l’arrosent, et que les mottes de la terre se rejoignent ?

REFLEXIONS

Dieu pour convaincre Job de sa faiblesse et de son ignorance et pour l’humilier lui dit de considérer tant de créatures dont le monde est composé, les divers effets qu’elles produisent et l’ordre admirable qui règne dans la nature.

Nous devons faire les mêmes réflexions puisque toutes ces merveilles sont aussi exposées à nos yeux et y remarquer la suprême puissance et la profonde sagesse du créateur de toutes choses.

Cette méditation est très propre à nous faire sentir la grandeur de Dieu et notre néant, surtout puisque les œuvres du Seigneur sont si merveilleuses que nous ne saurions les sonder, ni en comprendre parfaitement la nature, les causes et les effets. Ainsi nous devons adorer avec une profonde humilité ce Dieu si puissant et si sage, nous soumettre à tous les ordres de la providence, sans prétendre pénétrer toutes les raisons de sa conduite et croire que tout ce qu’il fait dans le monde et envers nous, il le fait avec justice et avec bonté.

CHAPITRE XXXIX

Ce chapitre contient la suite de la description des merveilles de la création et de la providence lesquelles se découvrent dans plusieurs animaux que Dieu a mis sur la terre et dans l’air. Job confesse sa faiblesse et donne gloire à Dieu.

1 Chasseras-tu de la proie pour le vieux lion, et rassasieras-tu les lionceaux qui cherchent leur vie,

2 quand ils se tapissent dans leurs repaires, et qu’ils épient la proie du fond de leurs cavernes ?

3 Qui est-ce qui apprête la nourriture au corbeau, quand ses petits crient au Dieu fort et volent çà et là, parce qu’ils n’ont rien à manger ?

4 Sais-tu le temps auquel les chamois des rochers font leurs petits ? As-tu observé quand les biches faonnent ?

5 Compteras-tu les mois qu’elles achèvent leur portée, et sauras-tu le temps qu’elles feront leurs petits ?

6 Et qu’elles se courberont pour faire sortir leurs petits, et pour se délivrer de leurs douleurs ?

7 Leurs petits se fortifient, ils croissent dans les blés ; ils sortent et ne retournent plus vers elles.

8 Qui est-ce qui a laissé aller libre l’âne sauvage, et qui a délié les liens de cet animal farouche,

9 à qui j’ai donné la campagne pour maison, et la terre stérile pour ses lieux de retraite ?

10 Il se rit du bruit de la ville, il n’entend point le bruit éclatant de l’exacteur.

11 Les montagnes qu’il parcourt sont ses pâturages, et il cherche partout de la verdure.

12 La chèvre sauvage voudra-t-elle te servir, ou s’établira-t-elle près de ta crèche ?

13 La lieras-tu de son lien pour labourer au sillon, ou hersera-t-elle les vallées après toi ?

14 Te reposeras-tu sur elle, parce que sa force est grande, et lui abandonneras-tu ton travail ?

15 Croiras-tu qu’elle te rendra ta semence, et qu’elle l’amassera dans ton aire ?

16 As-tu donné aux paons le plumage qui est si gai, ou à l’autruche les ailes et les plumes ?

17 As-tu fait qu’elle abandonne ses œufs à terre, et qu’elle les fasse échauffer sur la poudre ;

18 et qu’elle oublie que le pied les écrasera, ou que les bêtes des champs les fouleront ?

19 Elle se montre cruelle envers ses petits, comme s’ils n’étaient pas siens, et son travail est vain, sans qu’elle craigne rien pour eux ;

20 car Dieu l’a privée de sagesse, et ne lui a point départi d’intelligence.

21 A la première occasion elle se dresse en haut, et se moque du cheval et de celui qui le monte.

22 As-tu donné la force au cheval, et as-tu revêtu son cou d’une crinière ?

23 Feras-tu bondir le cheval comme une sauterelle ? Son fier hennissement donne de la terreur.

24 De son pied il creuse la terre, il s’égaie en sa force, il va à la rencontre de l’homme armé ;

25 il se rit de la frayeur ; il ne s’épouvante de rien, et il ne se détourne point de devant l’épée ;

26 ni lorsque les flèches du carquois font du bruit sur lui, ni pour le fer de la hallebarde et de la lance.

27 Il creuse la terre en se secouant et se remuant ; il ne peut se retenir dès que la trompette sonne.

28 Quand la trompette sonne, il hennit ; il sent de loin la guerre, le bruit des capitaines et le cri de triomphe.

29 Est-ce par ta sagesse que l’épervier se remplume, et qu’il étend ses ailes vers le Midi ?

30 L’aigle s’élèvera-t-il en haut à ton commandement, et élèvera-t-il sa nichée dans des hauteurs ?

31 Il habite sur les rochers, et il se tient sur les sommets des rochers et dans les lieux forts.

32 De là il découvre le gibier, ses yeux voient de loin.

33 Ses petits aussi sucent le sang, et où il y a des corps morts, il s’y trouve.

34 Puis l’Eternel prit la parole, et dit :

35 Celui qui conteste avec le Tout-Puissant, lui apprendra-t-il quelque chose ? Que celui qui dispute avec Dieu réponde à ceci.

36 Alors Job répondit à l’Eternel, et dit :

37 Voici, je suis un homme vil ; que te répondrais-je ? Je mettrai la main sur ma bouche.

38 J’ai parlé une fois, et je ne répondrai plus ; même deux fois, mais je n’y retournerai plus.

REFLEXIONS

Il y a deux réflexions à faire sur ce chapitre :

I. Ce que Dieu lui-même y dit nous apprends que lorsqu’il a formé tant de créature que l’on voit dans le monde, son dessein a été de se faire connaître aux hommes et qu’ainsi le plus digne usage que nous puissions faire de notre raison est de considérer avec une sérieuse attention la puissance et la sagesse de Dieu dont nous voyons des marques si sensibles et si admirables dans toutes ses œuvres et en particulier dans tant d’animaux qu’il y a sur la terre et dans l’air. Les diverses qualités que Dieu leur a données, la manière dont il en conserve les espèces et dont il pourvoit à leur subsistance et à celles de leurs petits, les usages différents auxquels ils servent et l’ordre merveilleux et constant que l’on découvre en tout cela prouve bien clairement aux hommes qu’un être tout puissant, tout bon et infiniment sage a formé toutes ces choses sans exception et qu’il n’y a aucune créature qu’il ne conduise par sa providence.

II. L’aveu que Job fait de son néant et du tort qu’il avait eu de parler comme il avait fait nous montre quel est l’effet que la considération de toutes ces merveilles doit produire, c’est de nous convaincre de notre ignorance, de notre faiblesse et de nous abattre tellement en la présence de Dieu qu’il ne nous arrive jamais de rien dire, ni de rien penser qui soit contraire à la profonde soumission où nous devons être à son égard.

CHAPITRE XL

Ces deux chapitres contiennent la description de deux animaux remarquables que Dieu a formé, dont l’un est appelé béhémoth et que l’on croit être l’éléphant ou le cheval marin et l’autre léviathan et qui est comme on le prétend quelque gros poisson ou le crocodile.

1 L’Eternel répondit encore à Job du tourbillon, et dit :

2 Ceins maintenant tes reins comme un vaillant homme ; je t’interrogerai, et tu m’instruiras.

3 Est-ce que tu voudrais anéantir mon jugement ? Me condamnerais-tu pour te justifier ?

4 As-tu un bras comme le Dieu fort ? Tonnes-tu de la voix comme lui ?

5 Pare-toi maintenant de magnificence et de grandeur, et revêts-toi de majesté et de gloire.

6 Répands les fureurs de ta colère ; regarde tout orgueilleux et l’abats.

7 Regarde tous les orgueilleux, abaisse-les, et froisse les méchants sur la place.

8 Cache-les tous ensemble dans la poudre, et bande-leur la face dans un lieu caché.

9 Alors je te donnerai moi-même cette louange, que ta droite t’aura délivré.

10 Or, voilà le Béhémoth, que j’ai fait avec toi ; il mange le foin comme le bœuf.

11 Voilà maintenant, sa force est en ses flancs, et sa vigueur est dans le nombril de son ventre.

12 Il remue sa queue comme un cèdre, les nerfs de ses hanches sont entrelacés.

13 Ses os sont comme des barres d’airain, et ses menus os comme des barreaux de fer.

14 C’est le chef-d’œuvre du Dieu fort ; celui qui l’a fait lui a appliqué son épée.

15 De plus, les montagnes, où toutes les bêtes des champs se jouent, lui rapportent leur revenu.

16 Il se couche dans les lieux où il y a de l’ombre, dans la cachette des roseaux et dans le limon.

17 Les arbres le couvrent de leur ombre, et les saules des torrents l’environnent.

18 Voici, qu’une rivière fasse du ravage, il n’en aura point peur ; il serait assuré quand même le Jourdain déborderait dans sa gueule.

19 Il l’engloutit en le voyant, et son nez passe au travers des empêchements qu’il rencontre.

20 Tireras-tu le Léviathan avec un hameçon, et sa langue avec un cordeau que tu auras plongé ?

21 Mettras-tu un jonc dans ses narines ? ou perceras-tu ses mâchoires avec une épine ?

22 Emploiera-t-il envers toi beaucoup de prières ? ou te parlera-t-il doucement ?

23 Fera-t-il un accord avec toi, et le prendras-tu pour esclave à toujours ?

24 T’en joueras-tu comme d’un oiseau, et le lieras-tu pour amuser tes jeunes filles ?

25 Des amis en feront-ils des festins ? Sera-t-il partagé entre les marchands ?

26 Perceras-tu sa peau avec des piquants, et sa tête entrera-t-elle dans une nasse de poissons ?

27 Mets ta main sur lui, tu ne penseras jamais à lui faire la guerre.

28 Voilà, l’espérance qu’on avait de le prendre se trouve frustrée ; ne sera-t-on même pas atterré à son regard ?

CHAPITRE XLI

Il n’y a point d’homme si hardi qui l’ose réveiller ; et qui est-ce qui se trouvera devant moi ?

2 Qui est celui qui m’a prévenu, et je le lui rendrai ? Ce qui est sous tous les cieux, est à moi.

3 Je ne me tairai point de ses membres, ni de ce qui regarde ses forces, ni de la belle proportion de toutes les parties de son corps.

4 Qui est-ce qui découvrira le dessus de son vêtement ? Et qui viendra avec un double mors pour s’en rendre maître ?

5 Qui est-ce qui ouvrira l’entrée de sa gueule ? La terreur est autour de ses dents.

6 Il est magnifiquement couvert d’écailles comme d’un bouclier ; elles sont étroitement serrées, et comme scellées.

7 L’une est jointe à l’autre, et le vent n’entre point entre deux.

8 Elles sont jointes l’une à l’autre ; elles s’entretiennent, et ne se séparent point.

9 Ses éternuments jettent un éclat de lumière, et ses yeux sont comme les paupières de l’aube du jour.

10 Il sort comme des flambeaux de sa bouche, et il en rejaillit des étincelles de feu.

11 Une fumée sort de ses narines, comme d’un pot qui bout, ou d’une chaudière.

12 Son souffle enflammerait des charbons, et de sa gueule il sort comme une flamme.

13 La force est dans son cou, et la terreur marche devant lui.

14 Les muscles de sa chair sont liés ; tout cela est massif en lui, rien n’y branle.

15 Son cœur est massif comme une pierre, et ferme comme une pièce de la meule de dessous.

16 Les hommes les plus forts tremblent quand il s’élève, et ils ne savent où ils en sont, voyant comme il rompt tout.

17 Si quelqu’un s’en approche, ni l’épée, ni la hallebarde, ni le dard, ni la cuirasse, ne tiendront point devant lui.

18 Il ne tient non plus de compte du fer que de la paille, et de l’airain non plus que du bois pourri.

19 La flèche ne le fera point fuir, les pierres de la fronde ne lui sont pas plus que du chaume.

20 Les machines à jeter des pierres ne sont pour lui que comme des brins de chaume ; et il se rit lorsqu’on lance des dards contre lui.

21 Il a sous lui des pointes de pots cassés ; et il se couche sur des pierres aiguës, comme sur le limon.

22 Il fait bouillonner le fond de la mer comme une chaudière, et il la rend semblable à un chaudron de parfumeur.

23 Il fait briller sa trace après lui, et il fait paraître l’abîme comme une tête blanche de vieillesse.

24 Il n’y a rien sur la terre qui lui puisse être comparé ; il a été fait pour ne rien craindre.

25 Il voit au-dessous de lui tout ce qui est élevé ; il est roi sur tous les plus fiers animaux.

REFLEXIONS

Il faut remarquer sur ces deux chapitres que Dieu voulant faire voir sa puissance à Job lui propose ce qu’il y a d’admirable dans ces deux espèces d’animaux dont il est ici parlé. Quoi que ces animaux ne nous soient pas connus, comme ils l’étaient dans les pays où Job vivait, nous ne devons pas laisser d’admirer ce qui est dit dans cet endroit.

Au reste, nous pouvons considérer les merveilles de la providence dans tant d’animaux que nous connaissons et généralement dans toutes les œuvres du Seigneur. Il faut seulement prendre garde que, parce que nous voyons tous les jours ces merveilles, nous n’en soyons pas moins touchés, mais que plutôt nous y fassions continuellement des réflexions qui nous élèvent à la connaissance de Dieu notre créateur et qui nous portent à l’aimer, à l’adorer et à le craindre.

CHAPITRE XLII

On voit trois choses dans ce dernier chapitre du livre de Job :

I. Job reconnait la puissance et la justice de Dieu et s’humilie devant lui.

II. Dieu reprend les trois amis de Job des discours qu’ils avaient tenus et il leur commande de s’adresser à Job afin qu’il intercède et qu’il offre des sacrifices pour eux.

III. Dieu délivre Job de ses souffrances et il le rétablit dans un état plus heureux que son premier état n’avait été.

1 Alors Job répondit à l’Éternel et dit :

2 Je sais que tu peux tout, et qu’on ne te saurait empêcher de faire ce que tu as résolu.

3 Qui est celui qui obscurcit le conseil par des discours sans science ? J’ai donc parlé, et je n’y entendais rien ; ces choses sont trop merveilleuses pour moi, et je n’y connais rien.

4 Ecoute maintenant, et je parlerai ; je t’interrogerai, et tu m’instruiras.

5 J’avais ouï parler de toi de mes oreilles ; mais maintenant mon œil t’a vu.

6 C’est pourquoi je me condamne, et je me repens sur la poudre et sur la cendre.

7 Or, après que l’Eternel eut ainsi parlé à Job, il dit à Eliphaz Thémanite : Ma colère est embrasée contre toi et contre tes deux compagnons, parce que vous n’avez point parlé avec droiture devant moi, comme Job mon serviteur.

8 C’est pourquoi, prenez pour vous maintenant sept taureaux et sept béliers, et allez vers Job mon serviteur, et offrez un holocauste pour vous ; et Job mon serviteur priera pour vous (car, certainement, j’exaucerai sa prière), afin que je ne vous traite pas selon votre folie, parce que vous n’avez point parlé avec droiture devant moi, comme Job mon serviteur.

9 Ainsi, Eliphaz Thémanite, et Bildad Sçuhite, et Tsophar Nahamathite vinrent et firent ce que l’Eternel leur avait commandé ; et l’Eternel exauça la prière de Job.

10 Et l’Eternel tira Job de sa captivité, après qu’il eut prié pour ses amis ; et il lui rendit au double tout ce qu’il avait eu.

11 Aussi tous ses frères, et toutes ses sœurs, et tous ceux qui l’avaient connu auparavant vinrent vers lui ; et ils mangèrent avec lui dans sa maison ; et lui ayant témoigné qu’ils étaient touchés de compassion pour lui, ils le consolèrent de tout le mal que l’Eternel avait fait venir sur lui ; et chacun d’eux lui donna une pièce d’argent, et chacun une bague d’or.

12 Ainsi l’Eternel bénit le dernier état de Job plus que le premier, tellement qu’il eut quatorze mille brebis, et six mille chameaux, et mille couples de bœufs, et mille ânesses.

13 Il eut aussi sept fils et trois filles.

14 Et il appela le nom de l’une Jémima, et le nom de l’autre Ketsiha, et le nom de la troisième Kéren-Happuc.

15 Et il ne se trouva point de si belles femmes dans tout le pays que les filles de Job ; et leur père leur donna héritage entre leurs frères.

16 Et Job vécut après ces choses-là cent quarante ans, et vit ses fils, et les fils de ses fils jusqu’à la quatrième génération.

17 Puis il mourut âgé et rassasié de jours.

REFLEXIONS

Ce que nous devons apprendre d’ici, c’est :

I. De donner gloire à Dieu comme Job, et de nous humilier devant lui ; surtout lorsque nous avons fait ou dit quelque chose de contraire à notre devoir et de nous en repentir sur la poudre et sur la cendre.

II. Les reproches que Dieu fait aux trois amis de Job montrent bien clairement qu’ils avaient eu tort de le condamner et de soutenir que l’adversité est une marque de la colère de Dieu. On voit aussi par-là que Dieu est offensé quand on juge mal de ceux qui souffrent et surtout des justes affligés.

L’ordre que Dieu donne aux amis de Job de recourir à son intercession prouve que les prières des gens de bien sont d’une grande efficace pour nous réconcilier avec Dieu et que nous devons y avoir recours surtout lorsque nous leur avons fait quelque tort. On peut aussi reconnaître par-là combien Job était agréable au Seigneur.

Enfin, nous avons vu que Dieu, après avoir affligé et éprouvé ce saint homme, lui donne une heureuse issue de ses maux et le bénit en sorte qu’il lui rendit le double de tout ce qu’il avait perdu et qu’il le fit venir à une vieillesse heureuse et très avancée.

C’est ici un exemple illustre par lequel Dieu a voulu apprendre aux hommes de tous les temps que s’il afflige ses enfants pour les éprouver, il les délivre enfin heureusement et que souvent même il les bénit dès cette vie et leur rend au-delà de ce qu’il leur avait ôté.

Le profit que nous devons retirer de cette histoire et de ce livre est donc de ne jamais perdre courage dans les maux, mais de les souffrir patiemment, d’en profiter et d’imiter la piété et la foi de Job, soit dans la prospérité, soit dans l’adversité.